BURN BURN BURN
Un enterrement et quatre messages
Cynisme pudique, extravagance flegmatique, le cinéma britannique n’a de cesse de nous surprendre par sa maîtrise si paradoxale des sentiments. Cette marque de fabrique révèle souvent de bien jolies surprises qui vous font passer du rire aux larmes (et vice-versa) avec un naturel confondant. Ce style, « Burn burn burn » l’assume pleinement car derrière son étiquette de road trip tragi-comique, le film dévoile au fil de ses étapes, une finesse d’écriture pertinente et profondément sensible.
À l’image des bons verres de vins que les deux amies aiment déguster, le film commence sur une note légère où les deux jeunes femmes se laissent griser par une fête insolite au détour d’une grange. Affectées par la perte de leur ami autant que par leurs désillusions sentimentales et professionnelles, Seph et Alex remettent les compteurs à zéro pour continuer leur voyage sous les meilleurs auspices. Alors, petit à petit, l’histoire prend intensément du corps en mêlant les destinées des trois amis. Le parcours introspectif ne concerne plus uniquement le malheureux défunt mais aussi ses exécutrices testamentaires.
Très intelligemment écrit, le film maintient du début à la fin le juste équilibre qui alterne, dans un timing parfait, des scènes savoureusement drôles avec d’autres qui vous remuent puissamment les tripes. Une narration pudique et sincère qui d’une pirouette renverse la vapeur pour ne pas plomber l’ambiance. Bien que mécaniques, ces enchaînements de transition restent parfaitement fluides, surprenant son auditoire par quelques scènes intenses et magnifiques comme l’épisode de la crucifixion ou lorsque Seph et Alex font la connaissance de l’auto stoppeuse.
Enfin, « Burn burn burn » séduit aussi par la fraîcheur d’interprétation de ses deux actrices. Laura Carmichael (mondialement connue comme Lady Edith dans la série "Downton Abbey") joue à merveille la naïve faussement écervelée, alors que Chloe Pirrie est réellement touchante en femme blessée qui s’est construite une carapace de fille renfrognée, droite dans ses bottes. Autour d’elles gravite une multitude de seconds rôles profondément attachants, reflets de ce road trip qui ne connaît aucune fausse note, jusqu’à sa scène finale majestueuse, ponctuée évidemment d’un joli contrepied inattendu. Il n’en faut pas plus pour que l’on soit définitivement conquis par cet excellent premier film de Chanya Button. Un nom à retenir, assurément.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur