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LA BUENA VIDA

Un film de Andrés Wood
 

Bon film choral, mais il manque une étincelle

Parcours croisé de plusieurs habitants de Santiago du Chili : Edmundo, coiffeur-esthéticien qui rêve de s’acheter une voiture, Teresa, psychologue qui apprend que sa fille de 15 ans est enceinte, Mario, jeune clarinettiste dont le seul but est d’intégrer l’orchestre philharmonique, Patricia, jeune mère rongée par la pauvreté…

Il y a des films comme ça, qu’on ne peut ni encenser ni descendre. Des films qui plaisent mais pour lesquels il nous a manqué quelque chose d’indéfinissable. Ce nouveau film d’Andrés Wood (réalisateur de "Mon Ami Machuca") fait partie de ceux-là. Pas grand-chose à reprocher, en effet, à cette réalisation plutôt sobre, mais somme toute efficace. Les enchaînements sont plutôt fluides et on passe d’un personnage à un autre sans à-coups, ce qui est indispensable à la réussite d’un récit de vies parallèles comme celui-ci. Wood fait aussi le choix judicieux de privilégier les scènes nocturnes pour mieux se focaliser sur ses personnages, ne permettant guère au spectateur de se laisser distraire par l’arrière-plan, tout en lui donnant les clefs suffisantes pour décoder le contexte socio-géographique.

En fait, le problème vient peut-être de la durée, plutôt faible pour développer autant d’histoires parallèles : 4 trajectoires principales seulement, certes, mais également quelques personnages secondaires complexes et tout aussi intéressants, comme la fille de Teresa ou la mère d’Edmundo. Les personnages sont pourtant bien construits et Wood reste assez subtil pour nous dévoiler leur histoire et leur personnalité.

Mais si la mécanique fonctionne, l’émotion ne passe pas suffisamment, faute de temps pour s’attacher un peu plus aux personnages. Au final, le spectateur peut se sentir frustré de ne pas pouvoir les suivre un peu plus. Frustré aussi de ne pas profiter davantage de la très bonne performance des acteurs – notamment Manuela Martelli, déjà remarquée dans "Mon Ami Machuca" et dans "B-Happy", et une fois de plus magnifique et talentueuse malgré la présence trop secondaire de son personnage.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

Flirtant en permanence avec la comédie, "La buena vida" constitue une dramatique photographie d'un pays où les problèmes sociaux sont légions. Cohabitation forcée avec les parents jusqu'à des âges avancés, salaires excessivement bas, endettement, prix inaccessibles de certains services, déficience des systèmes sociaux et médicaux, corruption, tout est ici dénoncé, l'air de rien, au travers de la peinture du quotidien difficile de trois personnages auquel on s'attache peu à peu.

Ces destins vraisemblablement communs s'entrecroisent de manière crédible au cœur de d'une ville dont la caméra ne s'éloigne jamais. Quelques personnages secondaires font irruptions régulièrement dans un récit savamment construit, révélant au passage le besoin de contact qu'éprouve chacun vis à vis des autres. Les collègues de l'armée entrainent le musicien loin de sa vocation, la mère du quarantenaire s'avère aussi responsable que gentiment envahissante, les croques morts aident ce dernier à reconsidérer son père dont la disparition était juste synonyme d'un héritage non touché directement, la banquière symbolise le désir inaccessible, lui aussi faute d'argent, et la fille de la psychologue refuse de parler de sa grossesse.

On est forcément touché par l'ensemble de ces destins, même s'il est vrai qu'on aurait souhaité connaître un peu mieux chacun de ces personnages, surtout les secondaires. Au fil du récit, chacun est forcé de faire des concessions avec son idéal, de se rapprocher des autres pour mieux survivre aux aléas de la vie, aux rêves qui se brisent. Mais d'autres rêves se font jour, même dans les pires situations. Et c'est là le plus important: continuer à espérer, malgré une situation sociale des plus tendues et sans parfois réelle perspective.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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