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BROTHERHOOD

Un film de Nicolo Donato

Aspirations contradictoires

Lars, jeune militaire danois, se voit refuser une promotion dans l'armée, du fait qu'il aurait tenté de séduire certains de ses subordonnés lors de manœuvres de terrain. Dégoûté, il décide de ne pas renouveler son contrat. Lors d'une soirée chez des amis, il fait la connaissance de dirigeants d'un groupe néo-nazi. Refusant au départ tout dialogue, il finira par accepter leur invitation, juste pour voir...

Sortie en DVD le 15 février 2012

Lars est du genre à ouvrir sa gueule. Il dit ce qu'il pense. Il n'est pas d'accord avec les agissements des extrémistes et réfute chacun de leurs arguments. « Éliminer les cafards de musulmans » ne fait pas partie de ses intentions, et pourtant, sous le charme pernicieux de Tykke, et grâce à un système de commandement et de promotion qui ne lui est pas étranger, il pourrait bien se laisser charmer par la rigueur et l'ordre qui règne dans le mouvement néo-nazi danois. Peut-être parce que la valeur qu'il a perdu dans son travail, l’a-t-il soudainement retrouvée au sein d'un groupe. Peut-être parce qu'il est plus facile de laisser la morale au placard quand il s'agit de sa propre ambition.

« Brotherhood » décrit ainsi avec minutie comment un groupe absorbe un individu, comment fonctionne l'effet d'entraînement qu'exerce celui-ci, ou la manière dont apparaissent les sirènes d'une camaraderie toute relative. Car comme dans toute organisation, sous des allures de fraternité se cachent des frustrations et des jalousies. Finement écrit, le film de Nicolo Donato, Grand Prix du jury au Festival de Rome 2009, nous propulse dans les rouages d'une organisation (ses lectures, ses codes...) qui semble isoler progressivement ses membres du monde réel, leur enlevant progressivement toute possibilité d'esprit critique. Il donne à voir comment une intelligence peut-être repérée, puis flattée comme un prétendu contrepoids et conditionnée pour devenir elle-même leader. Car l'important pour l'individu est finalement plus l'ordre que le fond qui le génère.

Installant d'emblée une certaine tension vis-à-vis du personnage principal, qui se fait tout de suite un ennemi, le scénario prend soudain une direction inattendue. Mettant les deux ennemis face à face dans une cohabitation forcée, ajoutant une rivalité avec le frère de ce dernier, « Brotherhood » met ces deux hommes face à leurs pulsions, la fraternité allant parfois au-delà de la simple amitié. L'ennemi devient alors potentiellement l'organisation elle-même, car en sortir n'est pas réellement possible, le libre arbitre s'effaçant progressivement au profit de l'intérêt du groupe et de son image.

Démultipliant ainsi la pression sur les deux personnages, le film offre quelques scènes remarquables de tension : la rencontre fortuite d'un personnage avec un jeune homme préalablement tabassé, la naissance de la complicité entre les deux hommes, silhouettes se détachant au dessus de l'eau dans la nuit, la seconde scène de sexe, fusionnelle, le lancé de pierres contre le camp de réfugiés... Et bien entendu, le final, qui comme pour toutes ces scènes, ménage un malsain suspense. Saluons enfin l'interprétation des deux acteurs principaux. Thure Lindhardt compose un jeune homme en colère, à la forte volonté d'indépendance, un rien moqueur, qui ose tenir tête à son influente mère. Quand à David Dencik (« En soap », « Happy end »), il incarne un étrange mélange, fait d'une dureté apparente que renforcent ses vêtements connotés skin-head, et d'une douceur cachée que trahissent son amour de la nature et son côté gamin. Son corps est un peu à cette image, à la fois frêle et musclé, traduisant parfaitement ces contradictions. Tous deux servent cette formidable peinture d'un milieu méconnu qui arrive toujours à enrôler nombre de jeunes. Ils font ainsi œuvre de pédagogie dans un film qu'on peut qualifier de percutant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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