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THE BOX

Un film de Richard Kelly

Appuyez sur le bouton !

Norma et Arthur mènent une vie paisible dans une petite ville des USA jusqu’au jour où une mystérieuse boîte est déposée devant leur domicile. Quelques heures plus tard se présente l’énigmatique Arlington Steward qui leur révèle qu’en appuyant sur le bouton rouge de la boîte, ils recevront un million de dollars, mais qu’en même temps cela entraînera la mort d’un inconnu…

C’est peu dire que l’imagination fertile de Richard Matheson, écrivain de science-fiction réputé devenu une icône des années cinquante avec son livre « Je suis une légende », a façonné un large pan de l’imagerie fantastique du milieu du XXe siècle aux Etats-Unis. Ce bonhomme discret, quelque peu effacé par les succès des Isaac Asimov, Philip K. Dick et plus récemment Arthur C. Clarke, a tout de même été à l’origine de nombreux scripts de l’indispensable série « La quatrième dimension » dans les années soixante, puis de sa suite en couleurs dans les années quatre-vingts. Rod Serling, créateur de la série et scénariste à ses heures, devait beaucoup à l’inventivité fertile de Matheson (qui écrivit également le scénario du « Duel » de Spielberg).

Le pitch de départ du troisième long-métrage de Richard Kelly, adoubé « petit génie » dès « Donnie Darko » en 2001, recycle justement l’une des histoires les plus curieuses et intrigantes de l’écrivain, illustrée par un épisode de la première saison de « La quatrième dimension » version couleurs, « Appuyez sur le bouton ». Ce principe alléchant l’ayant toujours fasciné, Kelly souhaitait en prolonger le concept et en tirer des lignes narratives, afin de donner une réponse à l’existence de cette mystérieuse boîte.

Ce nouvel objet filmique lancé dans les airs par le jeune prodige baigne donc dans une inquiétante étrangeté qui prend au corps et s’insinue par tous les pores de la peau. L’atmosphère de la première partie – de la découverte de la boîte jusqu’à sa récupération par l’effrayant Steward – rappelle forcément les meilleures heures de David Lynch. Excellente nouvelle, puisque Kelly, sans craindre le sur-soulignage d’une telle référence, s’emploie pleinement à instaurer une ambiance à la fois feutrée et énigmatique, qui serait presque excentrique s’il n’y avait cette chape de sérénité généralisée face à l’insolite proposition.

Afin de construire plus efficacement une « famille modèle », Kelly a expressément demandé à ses comédiens de s’inspirer de ses propres parents (son père travaillait aussi à la NASA et ils habitaient près de Langley). L’authenticité est complète ; et cette authenticité dans la démarche professionnelle et sociale de ses personnages (un couple qui travaille, un enfant en bas âge, une belle maison et une superbe voiture mais des soucis financiers…), cette banalité même de leur existence, si ce n’était quelques détails troublants, permet à Kelly de mettre en relief l’insupportable bizarrerie du jeu du bouton.

A partir de là, « The Box » tisse une inexorable toile autour de la question psychanalytique du choix. Le principe d’arbitrage des situations – faut-il appuyer sur le bouton ? quelle porte choisir entre les trois ? – titille les capacités morales des individus et les met face à leurs responsabilités, car leurs choix sont toujours prolongés par des conséquences imprévisibles. Conséquences qui mènent elles-mêmes à d’autres choix, ad infinitum. Au moment où il quitte le giron rassurant de la nouvelle de Matheson et prend le large, le récit plonge dans un mélange d’ésotérisme et de science-fiction pure.

Le personnage de Steward (incarné par le toujours excellent et, ici, angoissant Frank Langella) devient le carrefour allégorique d’une série de lignes de fuite improbables, faisant le lien entre moult éléments narratifs donnés en pâture au spectateur – histoire de la boîte, évocation d’un homme touché par la foudre, missions de la NASA sur la Lune et sur Mars, jeunes étudiants au comportement curieux, etc. – mais qui ne trouveront de résolution nulle part, sinon dans le cerveau des exégètes qui décrypteront sans vergogne un film fabriqué à partir et pour le plaisir du mystère. Sans creuser la question des symboles et indices nombreux, on pourra déjà apprécier l’immense et complexe portée morale de l’œuvre.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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