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BORDER

Un film de Ali Abbasi

Une ode puissante et viscérale à la tolérance

En Suède, à l’arrivée des ferrys, Tina, une douanière au physique « ingrat », n’a pas son pareil pour renifler (au sens réel du terme) les touristes qui ont quelque chose à cacher. Après le travail, elle retrouve son copain qui vit à ses crochets dans sa maison au milieu des bois. Un jour, un homme aussi laid qu’elle, se présente à la douane…

Étrange et fascinant, "Border" est de ces films qui fait de ses spectateurs ce qu'il veut. En effet, dès les premières minutes, notre attention est captivée par un détail dont on ne sait que faire : l'attitude et le physique troublant de Tina. Dans son uniforme des douanes, elle est une employée efficace qui respecte toutes les procédures et cela, sans avoir besoin d'être assistée d'un chien policier. Elle retrousse elle-même les "babines" dès qu'elle sent le danger et son flair est assez aiguisé pour sentir la peur et la culpabilité des voyageurs qui sont dans l'illégalité.

Mais à part ce détail pour le moins surprenant, Tina vit sa vie comme tout un chacun avec ses petits bonheurs et ses désillusions. Son copain est un gros flemmard sans ambition qui squatte son salon, et son père, sa seule famille, est placé dans une maison pour un début d’Alzheimer. Son réconfort en ces moments difficiles c'est la maison qu'elle s'est payée au milieu de la forêt. Après le travail, elle adore aller se ressourcer dans les bois, observer les insectes et pourquoi pas, piquer une tête dans le lac juste à côté de chez elle.

Tout va basculer le jour où elle croise Vore, un homme qui comme elle a des traits grossiers, presque animal. À ce moment là, on croit avoir quelques réponses sur le véritable sens du film mais c'est sans compter sur le talent des scénaristes qui tout de suite prennent le contrepied de ces suppositions pour nous emmener sur d'autres terrains. Au fil du récit, le scénario va démonter un à un tous les clichés auxquels on s'attend pour nous offrir un récit troublant, intense et profond.

Car, sans vous révéler quoi que ce soit de l'histoire, le film est avant tout une subtile allégorie de la tolérance qui démontre comment un point de vue que l'on croit objectif est biaisé par des principes bien ancrés. Au delà des apparences, les véritables monstres sont eux bien cachés et il faut des sens affutés pour les reconnaître. Légitimement récompensé à Cannes en 2018, par le jury de Benicio del Toro, à Un Certain Regard, "Border" est assurément l'un des films les plus fascinants et les mieux écrits de ce tout début d'année. Ne tient qu'à vous, à présent, de passer la frontière.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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