BORAT 2 - NOUVELLE MISSION FILMÉE
Un parfum de scandale, pour un film offrant un nouvel aperçu du pire d’une Amérique pas vraiment « grande »
À la suite de son reportage aux États-Unis, Borat, journaliste kazakh ayant ridiculisé son pays, a été envoyé aux travaux forcés. Le régime décide cependant de l’envoyer à nouveau là-bas, afin de donner un pot-de-vin aux dirigeants, en leur offrant Johnny le singe, actuel Ministre de la culture et ex-porn star, afin de s’attirer les faveurs de l’administration Trump. Mais sa fille Tutar se cache dans la caisse lors du transport en cargo, tuant au passage le singe pour pallier son manque de nourriture. Elle accepte alors de prendre sa place en tant que « cadeau »…
Sortie le 23 octobre 2020 sur Amazon Prime
On l’attendait avec forcément autant d’inquiétude que d’impatience. La suite du mockumentaire (ou documentaire parodique) "Borat" débarque donc sur les petits écrans au travers de la lucarne Amazon Prime. Après quelques images évoquant des reportages sur des camps de travaux forcés, le faux documentaire, en grande partie scénarisé, débute comme son premier épisode, par le départ du reporter pour les USA, sous des hourras de tout son village, en réalité peu flatteurs lorsqu’on lit les traductions des cris lancés envers lui. Puis nous voici aux États-Unis, où l’on suivra cette fois-ci cun tandem, constitué de ce père plus qu’indigne et de sa fille, qu’il considère plus comme un animal que comme un être humain, lui prodiguant des leçons de morale aux travers d’artifices tels un livre de contes des plus hallucinants, dont le contenu nous sera dévoilé par bribes, ou même en la tenant en laisse lorsqu’il s’agit de sortir... Mais cette fois, comme la figure de Borat est déjà connue (comme le montrent d’emblée quelques interpellations dans la rue), Sacha Baron Cohen devra user de tout un tas d’autres accoutrements pour se fondre dans la masse.
S’ensuit un récit qu’il convient de lire au second degré, au travers des quelques moments de vérité qui s’insinuent avec certaines des réactions des gens rencontrés, dessinant un assez épouvantable manque de considération pour les femmes, et tout un tas de dévoiements servant un système politique et patriarcal (prétendu féminisme, religion et anti-avortement, positions de pouvoir…). Le rire est donc au rendez-vous, qu’il soit franc ou jaune, alors que l’auteur et sa complice épinglent les Sugar Babies, la chirurgie esthétique, la mouvance complotiste QAnon, l’autocensure sur les tenues vestimentaires… et même les bals des débutantes (la danse de la fertilité est à la fois l’un des moments les plus délirants et les plus gênants).
Féministe sur le fond, le film n’hésite pas à frapper fort tout ce qui relève de l’hypocrisie et du machisme ordinaire, un peu comme le premier film s’attaquait au racisme. Mais au-delà de ces questions, c’est l’administration Trump et donc une certaine vision de l’Amérique qui sont ici mises à mal, ainsi que la gestion de la crise du coronavirus, la fin du film encourageant clairement les électeurs à « voter » – certes sans dire pour qui. Un peu plus grave que le premier volet, le film est aussi plus légitimement porté sur les choses du sexe, du fait de son sujet central, et devrait réjouir les fans du premier, de par les nombreuses digressions et les dialogues multipliant les références. De quoi secouer un peu une planète bien pensante et adepte de l’auto-censure, tout en offrant aussi, au final, une vision originale de l’Histoire récente.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur