BODYBUILDER
Émotion palpable au pays des « expendables » au cœur tendre
Après s’être intéressé à l’affaire Omar Raddad dans sa précédente réalisation, Roschdy Zem a décidé de s’éloigner des polémiques judiciaires pour plonger le spectateur dans un monde atypique, celui du culturisme, avec ses codes et ses rituels. Débutant par une scène de sexe où un homme bodybuildé prend son plaisir à contempler ses muscles, on suppose alors que la suite s’attardera bêtement à démontrer l’amour que ces sportifs éprouvent pour leur corps. Mais, heureusement, le film sera tout autre, la musculation n’étant qu’une toile de fond pour s’attaquer à la relation complexe entre un père et un fils, séparés par la vie, et que tout oppose.
Lorsqu’Antoine, endetté auprès de malfrats, doit prendre la fuite, il se retrouve contre sa volonté envoyé chez son père à Saint-Étienne. Mais outre le clivage Saint-Étienne/Lyon, si le garçon est si réticent à cette idée, c’est qu’il a grandi dans l’absence de ce père, parti alors que sa progéniture pénétrait dans l’adolescence, l’éloignement renforçant la rancœur qu’il peut ressentir à son égard. Et découvrir que le paternel est désormais propriétaire d’une salle de sport et champion de culturisme ne fera que renforcer le mépris du jeune homme.
Si le titre et l’affiche pouvaient présager une grosse décharge de testostérones, le réalisateur a décidé de s’attaquer aux sentiments qui se cachent derrière ces muscles saillants. Dans cet univers où le sens du sacrifice et de l’effort est omniprésent, cette philosophie de vie est un moyen pour Roschdy Zem d’universaliser son propos afin de se questionner sur la manière dont chacun essaie de trouver sa voie dans notre société actuelle. Débordant d’énergie, et alternant parfaitement moments attendrissants, scènes cocasses et tensions dramatiques, "Bodybuilder" est un film passionnant sur la nature humaine dans un monde prétendu inhumain.
Porté par un casting époustouflant, Vincent Rottiers s’imposant définitivement comme l’un des meilleurs acteurs de sa génération, la surprise vient de Yolin François Gauvin, culturiste professionnel, surprenant de justesse. Ayant remplacé Antoine de Caunes – oui, oui, celui-là même qui officie désormais tous les jours sur Canal+ – ce néo-comédien impressionne aussi bien par sa carrure que par son charisme. Et lorsque le talent des acteurs vient soutenir des dialogues particulièrement bien écrits, il en ressort un film de retrouvailles père/fils loin des sentiers habituels, focalisé sur un présent qui ne laisse que peu de place aux regrets.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur