BLOOD AND BONES
Violence sans fin
Racontée, à la manière d’un long flash back, par le fils du principal protagoniste, cette histoire s’ouvre et se clôt sur une vue lumineuse des cotes japonaises et d’Osaka, symbole d’un espoir nouveau pour les immigrés coréens dont faisait partie son père. Le reste du film n’est que grisaille et décors embrumés, comme perdus dans une ville à taille inhumaine, à l’image du destin de cette famille soumise au joug d’un père dont le seul moyen d’expression et de contact avec les autres semble être la violence.
De scènes de viols répétées, sur sa femme, à l’impuissance des voisins et membres de la famille à réfreiner ses crises, jusqu’à la crainte qu’il inspire dans son travail, torturant ses employés les plus revendicatifs, c’est à une étude de caractère poussée et dérangeante que nous invite le réalisateur. Le portrait de cet homme, humiliant et sans cœur, qui devient son propre patron, puis un usurier sans pitié est il faut l’admettre, sans concession. Tout est calcul dans son monde d’affaires (alliance avec les mafias…), comme dans sa vie privée. Et si l’on perçoit un semblant d’humanité dans son comportement touchant lorsqu’il s’occupe de sa maîtresse, atteinte d’une tumeur au cerveau, c’est pour mieux contraster avec l’ignominie dont il fait preuve en se débarassant d’elle, sans un regard.
Tortionnaire jusqu’au bout, y compris dans sa période de déchéance physique, la logique implacable de ce caratère trempé, fait que la dernière partie du film en devient aussi captivante qu’étrangère à nos valeurs morales les plus communes. Pour cet homme, auquel un Takeshi Kitano bestial et terrifiant donne vie, les autres ne sont que des objets ou des obstacles. Et le long chemin pavé qui traverse le quartier, trace une perspective chargée d’un espoir de fuite, que sa linéarité rend cependant effrayant, symbolisant lourdement cette impossibilité pour une famille d’échapper à l’emprise d’un père violent. Et le film rend palpable cette contradiction et cet éclatement permanent, que même la mort de la femme, dont les funérailles sont une scène clé du film, ne saura engendrer le dépassement.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur