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BLADE RUNNER 2049

Un film de Denis Villeneuve

Une suite vertigineuse et visuellement bluffante

L’officier K est l’un des meilleurs Blade Runner. Son job est de chasser et d’élimer les humanoïdes d’ancienne génération. Mais durant une mission, il va faire une découverte qui remet totalement en cause ses croyances. Désormais, ce sera lui le pourchassé…

Trente ans se sont écoulés entre "Blade Runner" et "Blade Runner 2049". Entre temps, Los Angeles a très peu changé si ce n’est que la maladie et la pauvreté se sont définitivement emparées de la ville. Dans cette brume emblématique, les âmes humaines errent, sans but et sans volonté, entourées de robots, les « réplicants », de plus en plus sophistiqués. La pluie, les décors gigantesques, cette touche rétro-futuriste si particulière, cette atmosphère nostalgique ; les premières minutes du film nous rappellent immédiatement aux bons souvenirs du premier volet. La crainte de voir le talentueux Denis Villeneuve singer son aîné Ridley Scott est réelle. Le début est verbeux, probablement trop. Les enjeux ont dû mal à s’installer, les protagonistes, des difficultés à exister. Mais plus l’intrigue prend son envol, plus le constat devient évident : le cinéaste canadien a réussi ce que beaucoup pensaient impossible, capturer l’état d’esprit de l’original sans le dénaturer, élever les thématiques tout y injectant sa réflexion personnelle, magnifier un décorum déjà sublime.

Avec son ambiance électrique et organique, "Blade Runner 2049" impressionne avant tout visuellement. La photographie du maître Roger Deakins ("Sicario", "No Country for Old Men", "Les Noces rebelles"…) est époustouflante, nous baladant de paysages désertiques aux couleurs brûlantes à des zones de chaos urbain sombres et froides avec une fluidité rarement égalée. Les jeux d’ombre et le travail sur la lumière dessinent un univers élégiaque, où le moindre recoin a été pensé pour communier avec le propos. Au-delà de ces prouesses esthétiques, le métrage séduit également par la maîtrise de sa trame narrative, osant reléguer au second plan ce qui animait jadis tous les débats (la vraie nature de Deckard par exemple) pour resserrer son cadre sur le parcours hautement symbolique d’un Blade Runner tourmenté. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, les interrogations augmentent, le suspens grandit, et l’émotion devient plus palpable. Car là est la force du film, bouleverser et subjuguer en même temps, questionner et divertir tout en restant fidèle à son rythme contemplatif et métaphysique.

Cette lente plongée dans un futur dystopique n’est pas seulement une suite réussie, mais bien une nouvelle pierre angulaire de la SF, un blockbuster d’auteur qui dépasse largement toutes les espérances placées en lui. Immersion dans les dédales de l’existence où les secrets enfouis croisent les désirs refoulés, le film est une œuvre somme, radicale et enivrante, touchée par la grâce et dont les quelques fausses notes d’une bande-son moins percutante ne viennent en rien entacher notre plaisir. Mêler une telle ambiance visuelle à un lyrisme si intime est un tour de force que peu de réalisateurs pouvaient réussir. Après "Premier Contact", et avant de s’attaquer à "Dune", Denis Villeneuve s’impose en nouveau nabab de la Science-Fiction. Si le métrage aurait mérité d’être légèrement plus recentré, en particulier dans sa longue introduction, les images fascinantes et envoûtantes restent en tête longtemps après la projection. Comme l’impression d’avoir voyagé dans les méandres de la Création et de ne pas en être revenu.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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