BIZARRE
Pas bizarre, juste arty
Coproduit par Jean-Stéphane Sauvaire (réalisateur de "Johnny Mad Dog") et globalement passé inaperçu à sa sortie, ce petit film est de ceux qui ne font pas de la « marge » un simple sujet de cinéma. En effet, sous couvert d’explorer le caractère underground d’un lieu donné, Etienne Faure a pris pour parti pris d’en intégrer des rouages de narration et de mise en scène tout aussi inhabituels, avec tout ce que cela suppose de critères de fabrication arty. Soit une mise en scène profondément ingrate qui alterne des plans tournés à l’arrache (en caméra portée, donc) avec d’autres plans déjà mieux étalonnés (mais parfois blindés d’effets de style pour le moins injustifiés). Sans parler d’un récit qui cherche visiblement à titiller une fibre sensuelle – voire sulfureuse – en narrant une étrange histoire de fascination sexuelle à la "Théorème", où un jeune français débarqué à New York suscite le désir au sein de la faune qui l’entoure. On devrait donc ressentir quelque chose de troublant… On devrait…
Si l’on met de côté le caractère instable de la mise en scène que l’on évoquait précédemment, pourquoi "Bizarre" ne suscite-t-il rien d’autre qu’un profond ennui ? Sans doute parce que le film semble errer, chercher une matière dans ce décor urbain sans être vraiment capable d’en tirer quelque chose. On sent bien chez Faure une certaine faculté à filmer des corps et – surtout – des visages, en particulier celui de l’acteur androgyne Adrian James (une sacrée révélation que voilà !). Mais à moins d’aimer voir la sensualité être capturée à distance, sa réalisation peine à nous immerger dans son sujet, et encore moins dans le contexte décadent qui entoure ce fameux club – lequel donne son nom au film. Il y avait pourtant de quoi : même s’il ne déballe pas la même ambiance hédoniste et transgressive que le "Shortbus" de John Cameron Mitchell, "Bizarre" donne dans l’underground pur, entre rock hardcore, numéros de travestissement et spectacles de l’art burlesque – dont un où les participants dénudés se tartinent de nourriture écrasée ! Hélas, sans une mise en scène « brûlante », les efforts s’effondrent vite… Une BO relativement solide et quelques jolies parenthèses sur fond de lumière tamisée constitueront ici une très mince compensation.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur