BIXA TRAVESTY
Un manque certain de clarté et de mise en scène
Le portrait d’une artiste brésilienne, Linn da Quebrada, se revendiquant à la fois travestie et femme, s’adonnant à la musique rap, et développant une réflexion sur le genre et le rapport de la femme trans à une société brésilienne emplie de machisme…
Teddy Award 2018 du meilleur documentaire, "Bixa Travesty" aura donc mis presque un an et demi à parvenir jusqu’aux écrans français. Revendiquant un pouvoir réaffirmé de la femme face à l’homme, prenant même la forme de menaces face caméra, le sourire au lèvre, l’artiste Linn da Quebrada tente d’y expliquer sa posture, se définissant à la fois comme une femme transgenre et comme une « trav-tapette » (traduction du titre du film, et d’une de ses chansons dans les sous-titres même du film). Découverte en 2016 dans le documentaire "My body is political", Mc Linn da Quebrada qui délaissa ensuite le Mc, alors qu’elle devenait une figure du milieu LGBTI+ et sortait son premier album (2017), est donc le personnage central de ce docu très autocentré.
Malheureusement, aussi intéressant que soit son discours, celle-ci est bien peu mise en valeur par une mise en scène paresseuse, qui se contente d’aligner les plans fixes, comme dans les désespérément fades scènes de concert, au dynamisme proche du zéro. L’artiste aurait sans doute mérité bien mieux, l’inconfort ou le malaise dont elle parle, notamment sur la fin étant loin d’être évident. Pire, le film s’enferme au final dans une contradiction hypocrite, le tournage se limitant à un « entre soi », ne confrontant finalement jamais ses personnages au monde extérieur qu’ils dénoncent, aussi machiste soit-il.
Résonnant comme un discours creux qui ne parlera qu’à des initiés, "Bixa Travesty" passe donc totalement à côté de son objectif, qu’il soit pédagogique ou provocateur. Certes la fatigue de devoir se définir ou se justifier (comme femme), transparaît quelque peu, mais au final, le seul moment où le discours se fait limpide, est finalement lors des échanges avec la mère. Cela donne d’ailleurs la plus touchante scène du film, dans une cuisine pleine de joie, où sont abordées avant tout des questions simples concernant l’acceptation et l’amour de soi.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur