BIENVENUE A BATAVILLE
Autarcity
Après “La quatrième génération” qui évoquait sa famille, “Trois soldats allemands” qui revenait sur la dernière guerre, François Caillat s’intéresse à présent à la Lorraine sous un angle économique. Bataville, cité créée de toutes pièces autour de l’usine Bata, offrait à ses habitants-ouvriers une salle des fêtes, une épicerie, un stade, une piscine, et une école. Tout était prévu pour vivre en parfaite autarcie. Dans ce monde idéal, libre à chacun de travailler le samedi ou tard le soir, les payes sont au rendement. Vous êtes célibataire, qu’importe, nombreux sont les bals organisés à la salle des fêtes, une fois marié, l’école Bata accueillera vos enfants, futurs ouvriers Bata. Evidemment devant tant d’avantages, toute revendication syndicale est interdite, une remarque et c’est la porte !
Avec « Bienvenue à Bataville », François Caillat prend le parti de réaliser une fable ironique et subjective dont le narrateur serait Tomas Bata le fondateur. De sa voix rocailleuse il nous présente sa ville modèle. Il fait parler ses ouvrières, son chef du personnel, mais aussi le président du club de foot et le trompettiste de la fanfare. Néanmoins, derrière ses témoignages élogieux et nostalgiques (l’usine Bata a été délocalisée en 2001) quelques pics surgissent, la voix off intervient... on n’en saura pas plus.
Par la construction de son film, le réalisateur veut illustrer cette utopie patronale. Afin de montrer le côté nombriliste de l’entreprise, il monte son documentaire comme une ronde où tous les thèmes sont abordés par petites doses, à plusieurs reprises et dans un ordre aléatoire. L’allégorie n’est pas simple et malheureusement on se retrouve très vite totalement perdu. Les témoignages sont rapides et toujours conciliants, puisque le narrateur interrompt les rares critiques. Les images d’archives ne sont pas nombreuses et à aucun moment nous n'avons une vue d’ensemble de Bataville. Les très gros plans se succèdent: les briques des logements, la ligne blanche sur le terrain de foot, les vitres de l’usine... Le tout ponctué, soit par scènettes désuettes dans les jardins, soit par la fanfare de Bataville, sans compter les plans interminables sur la campagne lorraine.
Une fois le film terminé on reste sur sa faim. Que sait-on de Bataville: pas grand chose, en tout cas pas assez. On aimerait mieux connaître ses ouvrières, écouter leurs anecdotes, avoir leurs sentiments. Pour démontrer la perversité du système Bata, François Caillat a construit son film dans une symbolique très particulière, une forme singulière qui a malheureusement desservi le fond.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur