BETHLÉEM
Liaisons dangereuses
Le cinéma traitant du conflit israélo-palestinien est décidemment prolixe et de qualité. Quelques mois après "Omar", sélectionné par l’académie des Oscars dans la catégorie Meilleur film étranger, voici sur les écrans "Bethléem", premier film de l’Israélien Yuval Adler (co-écrit avec le journaliste palestinien Ali Waked), qui traite également des espions recrutés pour travailler contre leur « camp ». Ici, c’est un agent des services secrets d’Israël qui débauche un jeune musulman palestinien de Cisjordanie. Ce dernier se voit quelque peu rejeté par son père qui préfère son fils aîné, un vrai combattant pour la cause palestinienne. De ce désamour naîtra une autre relation, plus trouble, mais apparemment pleine d’amitié et d’attachement entre l’agent et son indic ; l’Israélien devenant même comme un père de substitution pour le jeune Palestinien. Mais cette relation restera un jeu dangereux dans un conflit où aucun cadeau n’est fait par l’un ou l’autre des deux camps.
Ce film dramatique raconte avant tout une histoire poignante et universelle. Le scénario peut en effet trouver un écho, une adaptation dans bien d’autres conflits, comme la Guerre froide ou la Seconde Guerre mondiale. Avec le regard du spectateur, qui met de côté la lutte en Israël, le film peut se voir à la manière d’un bon divertissement d’espionnage avec ses moments de très forte tension, ses assauts militaires, ses retournements de situation, ses trahisons fatales… Avec le regard géopolitique du spectateur, et bien que le réalisateur israélien ait écrit son scénario avec un Palestinien dans un but de neutralité, on ne peut s’empêcher de trouver des failles qui fassent ressortir grandi un peuple plus qu’un autre.
[Spoiler] L’horreur de la scène finale peut ainsi troubler le spectateur étant donné que la victime avait auparavant tout mis en œuvre pour éviter d’envoyer à la mort son compagnon. Il n’en demeure pas moins une condamnation des agissements des uns et des autres dans ce combat infini qui ne semble jamais trouver d’issue.
Le film a obtenu six prix aux derniers « Césars » israéliens (les Ophirs), dont ceux du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur acteur pour Tsahi Halevi pour son interprétation de Razi. Il est vrai que les deux comédiens principaux sont fort convaincants. Tsahi Halevi en tête, mais parfaitement secondé par le jeune Shadi Marei qui porte en lui toute la dualité du conflit israélo-palestinien.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur