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LA BELLE ENDORMIE

Un film de Marco Bellocchio

Démocratie en sommeil

En 2008, la justice italienne autorise le père de Eluana, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans, à mettre fin à la vie de celle-ci, en coupant son alimentation artificielle. Touchée la fille d'un sénateur supposé voter pour une loi interdisant l'euthanasie, mais hésitant, s'engage pour cette cause. Elle fait alors la rencontre du frère d'un opposant à la loi...

Marco Bellocchio continue à jouer les poils à gratter et à décortiquer les divergences de la société italienne. Qu'il se lance dans le récit des souffrances de la première femme de Mussolini avec "Vincere", ou qu'il questionne le droit d'être athée pour un homme dont la famille souhaite faire entrer sa mère dans un processus de béatification dans "Le Sourire de ma mère", l'auteur italien provoque toujours l'émotion en mettant face à face les camps les plus opposés, trouvant dans le drame l'expression d'une humanité empreinte de contradictions.

Son dernier film, découvert en compétition au Festival de Venise 2012, ne déroge pas à la règle puisqu'il s'attaque au sujet sensible de l'euthanasie ou de l'accompagnement à la mort, confrontant une fois de plus une approche religieuse aux aspirations humaines à la fin de la souffrance. Il construit ainsi son film-débat autour de trois histoires parallèles, trouvant des résonances entre elles, pour mieux provoquer le doute ou l'émotion. Aux discussions politiques et intimes qui enflamment le pays, dans l'attente du vote des sénateurs et de la mort programmée d'Eluana, il adjoint la lutte acharnée d'une mère (Isabelle Huppert), espérant le réveil de sa fille, et l'histoire d'une jeune droguée souhaitant quitter le monde.

Le film fait forcément débat. D'autant plus que le réalisateur italien en profite pour dénoncer le comportement des élus de son pays, représentés ici comme calculateurs et inutiles, ne pensant qu'à leur carrière et se complaisant dans un rôle rêvé, proche de celui des sénateurs romains de l'Antiquité. Il les montre aussi comme des gamins fuyant face à leurs responsabilités, capables seulement d'exercer des pressions, au nom de postures de clans. Si cette « belle endormie » semble donc être la démocratie italienne, on peut aussi y voir une parabole d'un peuple tout entier, capable uniquement de se déchirer autour de questions aussi vieilles que la société elle-même, et surtout de réélire des hommes politiques pourtant discrédités.

En centrant son récit sur la relation entre un sénateur (Toni Servillo, impérial) et sa fille, fervente croyante, Bellocchio renforce son point de vue, tout en abordant la question de la valeur de l'espoir face à la souffrance des vivants. Ayant tous les deux vécu le même drame, celui de la disparition d'une femme aimante dans de grandes souffrances, les deux camps ne se rejoignent pourtant pas sur la réponse. Avec tact, l'auteur ne s’appesantit pas sur cet épisode passé, lui consacrant simplement quelques flash-back furtifs, préférant tisser sa toile de complexité humaine, et interroger, au travers d'une histoire d'amour naissante, la possibilité pour les ennemis, de dialoguer.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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