BARBARA
La vie sous surveillance
Une femme médecin, nouvellement débarquée dans l’hôpital d’une petite ville allemande, suscite bruits de couloir et curiosité. Telle une ancienne prisonnière ou une suspecte, elle semble faire l’objet d’une surveillance permanente…
S'il évoque forcément « La Vie des autres » de Florian Henckel von Donnersmarck, le nouveau film de l'Allemand Christian Petzold s'intéresse avant tout à une femme oppressée et à ses liens avec son pays. Située en 1980 en Allemagne de l'Est, son histoire utilise en effet, avec moins de puissance émotionnelle, les mêmes ressorts dramatiques faits de surveillance diffuse, de persécution, d'entraide et de trahisons, décrivant ainsi l'influence de la Stasi sur la vie quotidienne de citoyens auxquels on peut toujours facilement trouver quelque chose à reprocher. Le point de vue de cette femme médecin, Barbara, mutée de force, est alors d'autant plus intéressant qu'elle ne renonce jamais à aider celui qui la rencontre mystérieusement en forêt, devenu comme le symbole d'un espoir d'une vie meilleure.
Dans « Barbara », chacun a donc sa casserole, de l'héroïne sur le qui-vive au médecin d'apparence bienveillante qui semble s'intéresser un peu trop à elle, en passant par les bourreaux eux-mêmes, non épargnés par le sort. Un rien manichéen, le scénario traite cependant avec sensibilité de ce qui nous retient quelque part, qu'il s'agisse d'un devoir ou d'une personne, et de la naturelle hésitation face à l'exil... Adoptant une mise en scène plus classique, le réalisateur sait faire monter la pression, ceinturant son héroïne de potentiels dangers ou d'indices de persécution. Il décrit ainsi avec minutie les sources d'une naturelle et potentielle paranoïa, de visites surprises à son domicile avec fouilles anales à la clef, en gestes de collègues malveillants, en passant par des regards accusateurs dans un train, une voiture qui s'arrête derrière vous en forêt, immobile, ou un simple pneu de vélo crevé... Tout n'est que menace potentielle pour le peu de liberté qui lui reste.
Mais que serait « Barbara » sans son interprète principale ? Nina Hoss, prix d'interprétation au Festival de Berlin 2007 pour « Yella » (film du même réalisateur flirtant avec le fantastique), fait à nouveau des merveilles dans un rôle qui amène malheureusement peu d'empathie. Elle est l'âme du film de Christian Petzold, celle par qui la dénonciation d'un totalitarisme se fait concrète, stigmatisant dans ses actions les pires exactions d'un système : amours et carrières brisées, envoi en camp de travail forcé, criminalisation du suicide... Elle est aussi celle qui hésite, entre devenir un monstre ou garder son humanité, entre un avenir dangereux et l'amour d'un métier et d'un peuple. On aimerait la voir plus souvent sur nos écrans français...
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE