BARACOA
L’ennui à hauteur d’enfants
Leonel, 9 ans, et Antuán, 13 ans, sont deux amis vivant dans un village situé à l’extrême est de Cuba, dans les environs de la ville de Baracoa. Les vacances d’été commencent et, livrés à eux-mêmes, ils vont s’occuper comme ils peuvent…
Filmé à hauteur d’enfants, "Baracoa" apparaît comme un témoignage brut ayant pour simple ambition de suivre deux garçons dans leurs jeux et leurs errances, tout en offrant un discours indirect sur l’évolution de ce drôle de pays qu’est Cuba. Leur vie étant plutôt rudimentaire, ces gamins (que Pablo Briones avait déjà filmés dans un court métrage intitulé "Pezcal") sont contraints de s’amuser avec un rien, et ils semblent parfois aussi abandonnés que les lieux et objets qu’ils s’approprient dans leurs pérégrinations : une usine, une carcasse de voiture, une piscine vidée… Les adultes sont quasiment invisibles dans le film, ils restent en arrière-plan ou ne font que passer, comme des ombres, et les enfants feignent de se satisfaire de leur absence. Avec une sorte de pudeur, ils ne manifestent pas explicitement le manque, mais ils sont trahis par leurs conversations évoquant régulièrement les parents ou grands-parents.
En s’attardant sur l’innocence de leurs actes et de leurs propos, la caméra les filme sans les juger. Au contraire, malgré quelques discussions empreintes d’une bêtise enfantine (dont des propos illustrant l’ancrage de l’homophobie dans la société cubaine) ou certains jeux cruels (la bataille de coussins qui dérive vers un simulacre de torture), les deux garçons sont présentés avec tendresse et magnanimité, les trois coréalisateurs brossant le double portrait d’une amitié à la fois profonde et vache (le grand est épisodiquement à la limite de l’humiliation quand il raille son copain mais il est manifeste qu’il a beaucoup d’affection pour lui).
Malgré toute la sincérité de ce documentaire, on peut toutefois douter de l’authenticité de ce qu’il nous montre. Ainsi, on se demande régulièrement à quel point les deux garçons surjouent en présence de la caméra (surtout Antuán, le plus âgé, qui donne parfois l’impression d’être en représentation). Il est loisible aussi de penser qu’ils n’oseraient pas faire certaines choses sans la présence rassurante de l’équipe de cinéma à leurs côtés (notamment l’exploration de la grotte). Les propos de Leonel en voix-off à la fin ne font qu’accentuer cette perplexité quand il explique qu’il aime faire l’acteur et que c’est facile pour lui !
Mais le vrai défaut du film est ailleurs : malgré tout l’intérêt de ce documentaire, l’ennui que ressentent fréquemment les deux protagonistes s’avère malheureusement communicatif ! Le long métrage a ainsi tendance à tourner autant en rond que ses sujets et à errer le temps de plans ou de scènes à rallonge. Dommage de plomber ce beau film par un rythme aussi mou.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur