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BANLIEUSARDS

Un film de Kery James, Leïla Sy

Misère !

Soulaymaan poursuit des études d’avocat et participe à un concours d’éloquence, alors que son frère aîné Demba trempe dans toutes sortes d’affaires illégales et que le petit dernier, au moment de terminer le collège, semble choisir à son tour la mauvaise pente…

Banlieusards film

Sortie le 12 octobre 2019 sur Netflix

Pour qui a vu le documentaire "À voix haute", il est aisé d’imaginer qu’il y avait là l’origine de "Banlieusards" : on y voyait des jeunes de Seine-Saint-Denis qui se préparaient à un concours d’éloquence, entraînés par plusieurs personnes dont l’avocat Bertrand Périer, puis jugés par des personnalités parmi lesquelles figurait un certain Kery James. Voilà donc ce dernier aux commandes de son premier long métrage (scénario et co-réalisation avec Leïla Sy, collaboratrice régulière du rappeur) dans lequel deux étudiants avocats s’affrontent en finale d’un concours d’éloquence (dont un joué par un ancien lauréat du vrai concours : Jammeh Diangana), où le président du jury est incarné par Bertrand Périer.

Il y a aussi un rapprochement plus indirect qui ne tourne pas à l’avantage de "Banlieusards" : "À voix haute" était co-réalisé par Ladj Ly. Or, ce même Ladj Ly a triomphé à Cannes avec son premier long métrage de fiction, "Les Misérables", dont la sortie nationale coïncide presque avec la diffusion du film de Kery James sur Netflix. Les deux métrages se rejoignent sur la volonté de montrer les banlieues différemment, avec un regard issu des banlieues elles-mêmes et un propos moins manichéen, interrogeant notamment les responsabilités partagées au lieu de rejeter seulement la faute sur une catégorie de personnes ou d’institutions. Comme si cette comparaison ne suffisait pas, la brève participation de Mathieu Kassovitz (qui n’apporte franchement pas grand-chose) a également pour effet de faire planer l’ombre de "La Haine" et d’écraser un peu plus "Banlieusards".

Car il faut bien constater que, malgré les bonnes intentions de Kery James, son film ne décolle jamais vraiment : il patauge majoritairement dans une banalité confondante et il s’empêtre dans des discours d’une mollesse parfois affligeante, que ne sauvent que trop partiellement certaines répliques plus percutantes (notamment au moment du fameux concours d’éloquence, malgré la mise en scène maladroite de cette séquence). De la part d’un auteur régulièrement célébré pour ses paroles, on attendait a minima des répliques plus inspirées.

Pa ailleurs, on pourrait croire qu’il y a une volonté de montrer la réalité des banlieues de façon brute, avec une certaine absence de stylisation, mais ce serait confondre avec une absence de style ! La mise en scène de "Banlieusards" est tout simplement fade dans tous les domaines : direction d’acteur (quel jeu statique et ennuyeux !), séquences clichées et souvent bâclées, pathos laborieux, lumière insipide, cadrages ordinaires… C’est plus digne d’un mauvais téléfilm que d’un film d’auteur à message, tout spécialement dans la manière dont sont traitées les relations entre les personnages ou leur évolution.

La lourdeur domine en effet quand il s’agit, par exemple, de sous-entendre les sentiments qui se développent entre Soulaymaan et son adversaire du concours (une blonde issue d’un milieu bourgeois campée par Chloé Jouannet), ou quand un problème de santé de la mère semble suffire à remettre les deux autres fils dans le droit chemin. Si tout était si simple, on en viendrait presque à espérer que tous les caïds aient un souci personnel si cela suffisait à les convaincre d’en finir avec leurs activités criminelles ! Au final, si l’on peut souligner et apprécier les intentions, le résultat est bien trop banal et naïf pour nous emporter.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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