BAD BOYS FOR LIFE
La fin des films de gros bras
Alors qu’ils bossent ensemble depuis 25 ans, les deux Bad Boys n’en sont pas au même point. Marcus, qui vient de devenir grand-père, ne pense qu’à raccrocher, alors que Mike veut continuer à mettre des criminels derrière les barreaux jusqu’à ses 100 ans. Mais tout change, enfin presque tout, quand un tueur à moto tire sur Mike en pleine rue à Miami…
"Bad Boys" avait été un énorme succès de la fin des années 90. "Bad Boys 2" fut un carton dans les années 2000. Respectant la chronologie, "Bad Boys For Life" reprend ses protagonistes à l’ouverture des années 2020. Et ils ont vieilli… ce qui est l’un des intérêts et des arguments principaux du film. Mike Lowrey n’est pas Ethan Hunt, il vieillit et il a plus de mal. Il est plus lent. Quant à Marcus, il voit moins bien. Cependant, il ne faut pas trop en demander non plus. Les signes du passage du temps ne donnent pas dans la plus grande subtilité : les deux hommes font une course, qui va dégénérer, Will Smith se tient le bouc, Marcus conduit une Nissan, etc. Mais les réalisateurs ont eu l'intelligence de faire vieillir en cohérence les autres personnages, que ce soit l'antagoniste, le pseudo love interest et le capitaine. Ces hommes et ces femmes sont les porteurs d'une génération, qui s'intègre ou non à la nouvelle, qui trouve ou non une place dans la nouvelle organisation du monde.
Fidèle à l'esprit de Michael Bay, qu'il poignarde à plein d'autres moments, "Bad Boys For Life" n'est pas un film militant. Son irrévérence touche presque à la politesse et aux blagues de Papa par rapport aux deux volets précédents, mais il a le mérite de ne pas être un film à thèse. C'est un film plutôt jouissif, un buddy movie un peu ventru, qui a pris de l'âge et qui s'amuse, avec des scènes d'actions plutôt bien chorégraphiées et lisibles.
Ce n'est pas un énième film sur la place des gros bras, des gens de terrains, dans un monde toujours plus sophistiqué, toujours plus dirigé par les technologies. Pieds de nez à tout le geek porn, on met des mitrailleuses sur les drones, les membres de l'Ammo sont des tueurs nés bodybuildés (pour ceux qui sont caractérisés). On regrettera cependant l'absence totale de relief, voire même de présentation du personnage de Selena Gomez et la réduction de Paola Núñez à un love interest.
Les dialogues ont perdu de leur mordant, l'humour de décalage entre Marcus et Mike a vieilli, mais le duo fonctionne toujours. Il y a une scène de boîte de nuit, pour l'esprit, une course en voiture, pour l'esprit, mais la gnaque ni est plus. Reste donc, pour se consoler, les grosses ficelles de la narration, les échos entre les phrases de Marcus qui prennent un autre sens dans la bouche de Mike, plus tard.
Enfin, et c'est peut-être ce qu'il y a de plus amusant, Will Smith semble avoir atteint un âge pivot dans sa carrière. Le prince de Bel Air n'est plus. Le temps a passé, trop pour continuer à se voiler la face sans conséquence. Ainsi, après "Gemini Man", ce film plante un homme qui refuse de vieillir, et qui a pourtant l'âge de se faire dérouiller par une génération qui lui ressemble à ses débuts. Il avait 25 ans il y a 25 ans. Ceux qui sont nés à ce moment-là viennent réclamer leur dû.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur