AWAKE
Pas soporifique mais bâclé
Une mystérieuse catastrophe provoque deux conséquences à l’échelle mondiale : plus aucun appareil électrique ne fonctionne et les humains perdent leur capacité à dormir. La fatigue engendrée devrait entraîner, à très court terme, la mort de l’humanité tout entière, et d’innombrables dérives comportementales avant cela. Quelques rares personnes parviennent pourtant à trouver le sommeil et attirent les convoitises pour tenter de trouver un remède d’urgence. C’est notamment le cas de la fille de Jill, une ancienne soldate…
Sortie le 9 juin 2021 sur Netflix
Après un road-movie réaliste et sensible plutôt convaincant ("Kodachrome", déjà sur Netflix), Mark Raso s’attaque au genre post-apocalyptique, tellement foisonnant ces dernières années que le public risque l’overdose. Si cette nouvelle proposition est globalement honorable, "Awake" ne sort pas suffisamment du lot pour marquer les esprits et s’avère bien trop brouillon pour susciter pleinement l’enthousiasme.
C’est notamment la faute à un scénario qui tombe dans son propre piège. En imaginant cette soudaine incapacité à dormir et le très rapide effondrement physique et psychique qui en découle, le récit contraint les protagonistes à prendre conscience trop promptement des conséquences et des enjeux. Or, si ceci est crédible pour certaines catégories de personnes (l’armée et les scientifiques par exemple), il est moins probable qu’une seule nuit blanche produise le chaos et la paranoïa collective que le film met en scène si peu de temps après l’étrange catastrophe qui frappe alors le monde entier (notamment dans la séquence de l’église, à la fois maladroite et stéréotypée).
Autre conséquence : "Awake" se montre peu efficace dans la construction des personnages (leur psychologie, leurs intérêts…) et s’égare avec des protagonistes qui disparaissent brutalement du récit ou qui restent insuffisamment exploités (le pasteur, la grand-mère, le prisonnier évadé, les scientifiques…). Seule la caractérisation de l’héroïne bénéficie d’un peu plus d’efforts. Accessoirement, on se demande aussi ce qui conduit le réalisateur à retarder artificiellement l’identification d’un acteur (Gil Bellows) en laissant son visage hors champ durant plusieurs plans.
La mise en scène est souvent bancale, avec des transitions franchement maladroites d’une part, et quelques recherches visuelles intéressantes d’autre part, ces dernières insistant malgré elles sur ce manque cruel d’homogénéité. Ainsi, par exemple, un trou dans un mur, dû à un impact de balles, transforme une pièce en boîte noire permettant de projeter la nature environnante à l’intérieur : c’est très beau mais ça tombe comme un cheveu sur la soupe et ça ne semble avoir aucun intérêt pour le scénario.
Au final, tant pour le fond que pour la forme, le potentiel est bien là mais on a l’impression constante de visionner un montage provisoire, un work-in-progress prometteur mais inabouti. Au milieu de ce gâchis, on retiendra quelques idées surgissant ça et là, comme la façon dont les soldats finissent par perdre la tête quand l’un d’eux croit voir une grenade à la place d’une pomme de pain, ou comme une courte scène, à la fois osée et surréaliste, qui montre un groupe de personnes entièrement nues errer sur une route, avec des corps « normaux » que l’on a très rarement l’occasion de voir dans le cinéma nord-américain grand public.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur