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L'AVENIR

Un film de Mia Hansen-Løve

Portrait d'une femme entre deux eaux

Au courant que leur père a une liaison, les enfants de Nathalie demandent à celui-ci de faire un choix. Ce dernier décide alors de tout avouer et de quitter sa femme. Professeur de philosophie, celle-ci encaisse le choc posément, en apparence tout au moins…

Grâce à « L'avenir », Mia Hansen-Love ("Le père des mes enfants", "Eden") est repartie du Festival de Berlin 2016 avec le Prix de la mise en scène. Avec un tact infini et un sens aigu de l'observation, elle nous livre ici le portrait d'une cinquantenaire, forcée d'abandonner sa vie d'avant, sa routine conjugale, et de se poser à nouveau la question de son propre avenir.

Au premier abord, ce récit des malheurs d'une bourgeoise de gauche, installée dans ses certitudes (« moi qui croyait que tu m'aimerais toujours »), revendiquant le fait de faire bouger les choses grâce à l'éducation, le fait d'apprendre aux autres à « penser par eux-mêmes », pourrait paraître peu passionnant. Pourtant, au travers de ces morceaux de vie, jalonnés d'événements que chacun connaîtra au moins certainement une fois (la séparation, la mort d'un proche, le départ des enfants...), c'est au final un beau portrait de femme moderne que nous livre l'auteur.

Ainsi lorsque la philosophie de cabinets et d'amphithéâtres, ou le savoir littéraire se retrouvent mis à l'épreuve de la vraie vie, chacun réagit selon ses moyens et caractère, face à la solitude, cherchant un ressort qui donne du sens à cet avenir auparavant tout tracé, qui devient soudain flou. De ce constat découle une jolie comédie désenchantée, en forme de parcours vers l'espoir, posant autant la question des souvenirs et des attaches (les livres, la maison en Bretagne...) que celle de la capacité à percevoir les vies alentour, autres formes d'avenir, justement.

Certains se réjouiront des pics en forme de règlements de comptes qui parsèment le récit (l'intrusion forcenée du marketing dans le travail de chacun, les allusions à Sarkozy ou à la sexualité de Chirac...), d'autres se laisseront séduire par le mélange de nostalgie et de luminosité, autour de ce personnage qui se laisse porter par les événements. Quant à Isabelle Huppert, elle n'en finit plus de faire des merveilles (après « Valley of love » face à Depardieu l'an dernier), dans un rôle cousu main de femme confrontée à une soudaine liberté. Lui permettant de mettre en valeur une fierté de façade face aux durs coups que la vie peut vous asséner, elle s'en empare avec à la fois majesté et sensibilité, comme à son habitude.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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