AVATAR : LA VOIE DE L'EAU
Ava-mieux-tar que jamais ?
Alors que les humains sont partis (à l’exception de quelques alliés fidèles aux Na’vi), Jake Sully et Neytiri ont fondé une famille. Ils coulent des jours heureux et plusieurs de leurs enfants sont désormais adolescents, quand soudain les humains reviennent avec à nouveau la volonté de coloniser et exploiter Pandora. Les deux camps sont plus déterminés que jamais…
On ne peut pas dire que James Cameron soit du genre pressé ! Il aura fallu attendre 13 ans pour profiter de la suite du méga-succès "Avatar" et le réalisateur prend le temps d’étoffer son univers pour mieux plonger (littéralement) son public dans cette suite en grande partie maritime, qui dépasse d’une demi-heure la durée – déjà longue – du premier opus. Comme précédemment, la 3D est mise à l’honneur pour nous faire voyager à travers ces paysages extra-terrestres et cette technique s’avère surtout époustouflante pour les scènes calmes (quand les producteurs comprendront-ils que c’est souvent indigeste pour les scènes d’action ?). Ainsi, en même temps que la famille de Jake Sully (et surtout ses quatre enfants), le public découvre avec ébahissement les merveilleux fonds marins de cette planète fictive. Évidemment, bien que faisant preuve de créativité, la faune et la flore restent largement inspirées de ce que l’on peut trouver sur Terre : bancs de poissons, cétacés, anémones, poulpes… À l’exception des dragons marins, évidemment ! On pourra en dire de même pour les Na’vi de la mer, qui rappellent étrangement les Maoris (tatouages, hakas…) alors même que le film a été tourné en grande partie en Nouvelle-Zélande. Mais le plus important, c’est que la magie fonctionne à plein régime et qu’on se laisse volontiers porter par le courant.
L’atout d'"Avatar : La Voie de l’eau" vient également de la façon dont James Cameron digère à la fois plusieurs influences et sa propre filmographie. Ainsi, ce deuxième volet pioche du côté du western (l’attaque du train), des films sur la guerre du Vietnam (moustiques et lance-flammes compris), de "Moby Dick" (les chasseurs de tulkuns, les cétacés de Pandora) mais aussi des teen movies avec la thématique adolescente et tout ce qu’elle implique (découverte du désir, rivalités entre ados mais aussi avec les parents…). Quant aux autocitations, Cameron nous ressert surtout du "Titanic", tant de façon flagrante (le naufrage du vaisseau) que de manière plus indirecte avec la présence de Kate Winslet au casting ou à travers certains traits communs entre Jack Dawson et le jeune Lo’ak, fils cadet de Jake Sully, jeune intrépide ayant une volonté constante de braver les limites et les interdits.
Autre réussite et pas des moindres : la réintégration de Sigourney Weaver dans un nouveau rôle, la captivante Kiri, une jeune Na’vi dont les origines restent mystérieuses même à la fin du récit – la réponse dans le troisième volet ?
Derrière tout ce séduisant vernis, le long métrage peut toutefois décevoir dès qu’on gratte un peu. Si on se laisse embarquer par ces aventures, le scénario relève d’un grand classicisme et ne surprend pas vraiment. Et le principal problème vient de l’aspect philosophico-moral. Certes, "Avatar : La Voie de l’eau" se présente comme une belle ode à la biodiversité et au vivre-ensemble. On peut même y voir une critique des accusations abusives d’appropriation culturelle, à travers les divers personnages capables d’intégrer à leur personnalité des modes de vie ou de pensée qui ne viennent pas de leur peuple d’origine. Pourtant, derrière cet humanisme écolo, se cache également une dérangeante apologie du traditionalisme, qui s’accompagne d’un éloge d’un mysticisme empreint de superstitions et de pseudo-science, et surtout de la mise à l’honneur d’une société franchement patriarcale (voire viriliste) où le père a pour mission de protéger sa famille (c’est répété de façon explicite et lourdingue !) et où les hommes s’affrontent constamment pour des questions d’honneur parfois puériles. Au final, cette suite semble alors révélatrice des dérives de certains mouvements soi-disant progressistes qui mènent parfois au repli sur soi (voire à de simplistes idéologies anti-système) et à un retour en arrière sociétal. Oups…
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur