AU NOM DE MA FILLE
Une histoire vraie ne suffit pas à faire un scénario. Un excellent acteur ne suffit pas à faire un film.
Définitivement, Vincent Garenq aime beaucoup les chroniques judiciaires. Après "Présumé coupable" et "L’Enquête", le cinéaste s’empare une nouvelle fois d’une histoire vraie ayant trouvé sa résolution dans l’hémicycle d’un tribunal. "Au nom de ma fille" raconte ainsi le combat pour la vérité d’un homme épuisé et désabusé dont l’enfant semble avoir manifestement été tué par le compagnon de son ex-femme. Mais alors qu’il avait réussi à plonger le spectateur au cœur des multiples ramifications de l’affaire tentaculaire Clearstream avec une fluidité étonnante, le réalisateur échoue ici dans son récit chronologique. Se contentant de juxtaposer des instantanés de quelques minutes, le film se disperse dans cette construction académique, perdant toute sa puissance dramatique dans cette forme consensuelle.
Pour autant, Daniel Auteuil est excellent, impeccable en homme aux fêlures irréparables qui sacrifie sa vie pour honorer la mémoire de sa fille. Mais le métrage ne fait malheureusement pas honneur à son talent, la caméra retraçant sans aucune ambition esthétique le parcours acharné de ce père meurtri. Pire, à enchaîner les saynètes comme un banal résumé de l’affaire, Vincent Garenq oublie totalement d’apporter sa patte et un point de vue à ce drame profondément poignant. La lutte acharnée contre les institutions d’André Bamberski se limite alors à quelques coups de gueule contre les magistrats et à une multitude de séquences redondantes censées symboliser sa persévérance et son isolement progressif.
Là où "Au nom de ma fille" aurait pu devenir une œuvre fascinante en autopsiant les errements et les aberrations d’une justice protégeant un notable au-delà du raisonnable malgré des preuves accablantes, le film n’est qu’un vulgaire compendium d’une tragédie réduite à l’intime. Si ce parti pris pouvait être intéressant, voire même audacieux, le film se fourvoie en prenant pour de l’humanisme la platitude de son scénario. Ne parvenant jamais à nous faire pénétrer les obsessions de ce père, cette tentative de condenser trente années d’une vie en à peine quatre-vingt dix-minutes tourne presque à la catastrophe. Seul Daniel Auteuil permet d’éviter le pire. Merci Dani !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur