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AU BOULOT !

Vis ma vie de pauvre !

Sur le plateau de l’émission « Les Grandes Gueules », François Ruffin croise le fer avec Sarah Saldmann, une avocate qui méprise ouvertement ceux qu’elle qualifie d’« assistés ». Il la met au défi d’essayer de vivre dans les conditions du SMIC pendant trois mois. Elle accepte de faire cette expérience durant une semaine…

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Pour sa troisième collaboration avec Gilles Perret (après "J’veux du soleil !" et "Debout les femmes !"), François Ruffin part à nouveau à la rencontre de gens modestes pour mettre en lumière leurs conditions de vie et de travail. Cette fois, il embarque avec lui Sarah Saldmann, une avocate médiatique, pour la confronter à celles et ceux qu’elle honnit à longueur d’interventions sur RMC où elle officie comme chroniqueuse. S’engage ainsi une succession de rencontres, qui peut rappeler l’ancienne émission de TF1 "Vis ma vie", où la juriste, placée en immersion dans des circonstances qu’elle ignore totalement, doit se coltiner des tâches inédites pour elle.

À force de rencontres, la jeune femme semble prendre conscience de la réalité du monde. Elle avoue parfois son ignorance et son corps la trahit malgré elle (notamment lors d’une scène où elle refuse que Perret la filme en train de pleurer), mais elle s’enferme dans une certaine lâcheté, affirmant que ces expériences lui permettent de « nuancer » ses propos (et non de les revoir de fond en comble) et continuant ponctuellement à proférer des paroles ahurissantes (comme lorsqu’elle évoque sa « wish list », composée de produits de luxe qu’elle rêverait posséder) voire indigestes (le pire résidant dans les extraits des "Grandes Gueules" qui sont montrés en début et fin de film).

Toujours aussi fin et mordant, Ruffin la déstabilise, la met face à ses erreurs et ses contradictions. On sent que le député-réalisateur est régulièrement dépité, et conscient que son pari est perdu d’avance concernant la jeune femme, même s’il affirme que son illusoire évolution n’est pas vraiment le sujet ni l’enjeu du film. Sa comparaison avec les carnavals est éclairante : s’il est possible de faire redescendre provisoirement les élites au niveau du peuple voire d’inverser les statuts le temps de quelques jours, le retour à la « normale » est rapide et rien ne change vraiment.

Malgré les constats plutôt pessimistes et la conviction qu’un tel film ne change pas grand-chose (puisqu’il ne modifiera sans doute l’avis de personne), "Au boulot !" a le mérite de mettre à l’honneur, comme c’était le cas avec "Debout les femmes !", des travailleurs et travailleuses de l’ombre. Cela jusqu’à une magnifique conclusion qui les met en valeur comme jamais, et rien que pour ça, le jeu en valait la chandelle.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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