L’ATTAQUE DU MÉTRO 123
Métro, c’est trop
Walter Garber est aiguilleur du métro new-yorkais. Comme chaque jour, il veille au bon déroulement du trafic, lorsque la rame Pelham 123 s’immobilise sans explication. C’est le début du cauchemar : Ryder, un criminel aussi intelligent qu’audacieux, a pris en otage la rame et ses passagers, et menace d’exécuter les voyageurs si une énorme rançon ne lui est pas versée très vite…
C’est l’histoire d’un producteur, Todd Black, et d’un scénariste, Brian Helgeland, qui se demandent un jour sur quel nouveau projet de film ils vont bien pouvoir travailler. Tout à fait par hasard (sic), ils revoient « Les pirates du métro » que Joseph Sargent réalisa en 1974, avec Walter Matthau et Robert Shaw, et euréka ! ils se disent en chœur que « le moment est venu » de produire un remake de ce vieux machin poussiéreux. Bingo ! Ils mettent alors le doigt sur une vérité universelle : les époques changent car le temps passe, et les histoires d’hier méritent d’être racontées à nouveau. C’est ce qu’affirment toujours des producteurs en mal d’idées pour légitimer leur entreprise de reproduction systématique des films des autres, classiques aussi bien que sorties récentes. Déjà que l’essentiel de la production américaine est adaptée de romans, pourquoi se gêner et ne pas faire constamment des remakes ?
Mais ne crachons pas dans la soupe. Il y a de bons remakes et de mauvais remakes, comprendre : il y a ceux qui ont une certaine utilité, qui proposent une véritable révision des événements, et ceux qui ne servent à rien. « L’attaque du métro 123 » se situe approximativement entre les deux : médiocre, le film recycle avec habileté une série de péripéties que l’on pourrait tout autant reproduire encore dans quelques années. Tant que le monde sera monde il y aura toujours des malades mentaux pour prendre en otages les passagers d’un véhicule de transports publics, ici une rame de métro ; c’est ce qui fait l’universalité d’une telle histoire.
La mise en scène de Tony Scott, par contre, risque de devenir rapidement désuète : le générique défile sur des images en accéléré rythmées par du hip-hop bien gras, et Scott, en digne archétype de sa génération, aime à multiplier les ralentis et les plans de caméra qui tournent, qui tournent, qui tournent. La quête absolue d’une modernité factice, c’est sans doute ce qui sépare le petit frère – Tony – du grand – Ridley Scott. Michael Bay, sors de ce corps !
Des tics esthétiques, institués chez Scott depuis « Man on Fire », qui ne servent aucunement ses personnages. Travolta – le méchant – et Washington – le gentil – s’en sortent finalement très bien sans l’ostension du metteur en scène. Les trajectoires croisées de ces deux hommes font l’essentiel de l’intérêt du film : Washington excelle en Monsieur-tout-le-monde aiguilleur du métro, bedonnant et peu sûr de lui, normal et probe.
Accusé d’avoir touché un pot-de-vin lors d’une signature de contrat à l’étranger, son Garber devient involontairement un argument pour la thèse du preneur d’otages, Ryder : la ville de New-York est responsable de la vie et de la mort de ses habitants, c’est elle qui réduit considérablement l’épaisseur de la frontière qui sépare le bien du mal. Quelles différences entre Garber et Ryder ? Mieux encore : entre Ryder et ce maire hypocrite, opportuniste au possible, qui profite de la situation pour pêcher de futurs électeurs ? La considération sociale, uniquement. Le film se clôt sur ce constat nauséeux. Ce n’est pas encore un point de vue idéologique, mais c’est déjà ça.
Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur