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ATHENA

Un film de Romain Gavras

Les placements de produit qui tuent

A la suite du décès de son jeune frère, Abdel, soldat français rentre à la cité Athena pour les obsèques, retrouvant une famille dévastée, alors que son autre petit frère, Karim, s’improvise en leader d’une guérilla vengeresse, et que son grand frère Moktar tente de sauver son business de dealer. Peu à peu la cité s’embrase, devenant un camp retranché face aux forces de l’ordre. Contre les ordres de la police, Abdel franchit les barrages pour tenter de calmer les esprits…

Athena film movie

Sortie sur Netflix le 23 septembre 2022

Reparti bredouille de la Mostra de Venise, où il était présenté en compétition, "Athena", nouveau long métrage de Romain Gavras, réalisateur de "Notre jour viendra" et "Le Monde est à toi" nous livre un nouvel avertissement sur les risques de guerre civile en France, venant de banlieues paupérisées, où les dealers règnent en maîtres, les bavures policières semblent se multiplier, et la jeunesse ne compte plus se laisser mépriser. Un constat déjà à la base du film du co-scénariste, Ladj Ly, "Les Misérables", qui livrait lui une vision bien plus complexe de la situation, entre les diverses influences et communauté, le tout exploitant fort justement les différents rapports de force.

"Athena" lui, se contente d’opposer assez basiquement des forces de l’ordre désincarnées (elles ne sont que casques et boucliers), dans une esthétique qui évoquent la tentative de prise de châteaux forts, ou le peplum lorsqu’il s’agit des regroupements de policiers-centurions. L’imagerie est donc très forte, la mise en scène ample et imposante, à coups de plans par drones, grues, et autres panoramiques, mais aussi de caméra portée qui nous plonge au cœur de l’action. Mais le premier défaut du film réside dans son postulat de départ : un embrasement prétendu spontané, qui ne peut en fait être que savamment préparé depuis des semaines, à la vue de l’organisation des bandes, des moyens accumulés (quantité de mortiers d’artifices...), et des objectifs visés (coffre, matériel…). Une « occasion » donc plus qu’attendue, qui transforme à la longue le film en sorte de feu d’artifice géant.

[Attention Spoilers] Mais le gros défaut du film réside dans le manque cruel de caractérisation des personnages, avec au centre celui d’Abdel lui-même, dont la trajectoire paraît bien peu vraisemblable dans la rapidité de ses retournements. Le jeu approximatif de certains interprètes n’aide pas non plus, qu’il s’agisse de Moktar, le dealer ou de Sébastien, le combattant revenu du Djihad. Mais le pire est certainement que le scénario fait de Moktar un dealer bien peu consciencieux, et de Sébastien un psychopathe capable de diriger toute une troupe, alors qu’il est présenté au départ comme un neuneu traumatisé à peine capable de s’occuper de quelques parterres fleuris. Et c’est malheureusement à ces deux personnages que l’on doit de plus les pires placements de produits vus depuis longtemps, disposé aux pires moments de l’action. On ne peut donc s’empêcher de rire, lorsque le dealer propose soudainement des yaourts à boire à un Anthony Bajon en policier ligoté, ou que Sébastien devenu soudain intelligent, réclame violemment une boisson aux fruits à la femme présente (histoire de bien signifier son mépris pour le genre de celle-ci). C’est malheureusement ce que beaucoup retiendront du film, et la mise en scène efficace de Romain Gavras méritait sans doute mieux.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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