ARGYLLE
GoldenPouet
L’écrivaine à succès Elly Conway se retrouve dans une impasse. Après avoir créé ses histoires d’espionnage centrées sur le personnage fictif de l’agent Argylle, elle se retrouve au tome 5 avec une panne sèche. Pire, l’organisation malfaisante qu’elle a décrite dans ses romans existe réellement et en a après elle, car chose étrange, l’autrice arrive à prédire certains événements qui pourraient changer l’ordre mondial. Elly Conway se retrouve embarquée dans une aventure trépidante aux quatre coins du monde, à la recherche de la vérité…
Quand on s’assoit dans une salle obscure en allant voir un film de Matthew Vaughn, on sait qu’on va en avoir pour son argent. Que ce soit ses débuts en compagnie de Daniel Craig en 2004 avec "Layer Cake" ou encore le genre du super-héros avec "Kick-Ass" (2010) ou encore "X-Men : Le Commencement" (2011) ou avec sa trilogie d’espions so british avec les "Kingsman", le cinéaste a prouvé mainte fois son talent de story-teller et sa capacité à imprégner l’imaginaire collectif. Avec comme habitude de s’entourer de castings prestigieux (de Michael Fassbender à Colin Firth, en passant par Julianne Moore), on constate aux premiers abords que le film qu’il nous présente en ce début d’année coche toutes les cases du Vaughn-Movie par excellence : des acteurs de renoms, une ambiance colorée et pop électrifiée par sa bande son survoltée, des scènes d’actions délirantes et une intrigue dense.
La première partie du film, du moins son premier acte, nous donne confiance dans la capacité du metteur en scène à proposer autre chose que d’habitude. On l’avait déjà vu dans "King’s man : Première Mission" en 2021, qui s’orientait vers un ton plus grave moins second degré et laissait la place à l’émotion pure. Même ressenti avec ce personnage d’écrivaine mal dans sa peau qui a pour seule compagnie son chat Alfie et sa série de romans à succès du nom d’Argylle. On pense alors découvrir la note d’intention du film avec cette scène d’ouverture sous amphètes qui glorifie les codes du film d’espionnage version menu maxi best-of. Tout ceci se retrouve justifié quand on constate qu’on vient de vivre un chapitre du roman d’Elly et que ce procédé, entre fantasme et réalité, se verra décalqué jusqu’à un certain point, comme lors de la séquence du train (déjà trop dévoilée dans les multiples bandes annonces, hélas) où l’héroïne par panique commence à modifier et embellir sa réalité à travers une vue subjective autant intéressante pour la psychologie de personnage que pour l’utilisation du médium cinématographique.
Et même si tout le monde assure (Sam Rockwell en version réaliste de l’espion qui se prend des mandales on est toujours preneur et Henri Cavill ("Man of Steel") qui s’amuse avec la figure monolithique de James Bond), le film glisse peu à peu sur un terrain très convenu, jusqu’à abandonner ses idées au profit d’un script bâti sur une succession de révélations et autres twists. Malheureusement c’est à partir de ce moment-là que le métrage nous a perdu et laissé perplexes. De gamin rebelle et malpoli, le film se mue en quelque chose de finalement très convenu et fade. Les effets spéciaux criards n'évoquent plus grand chose à part la vacuité d’une œuvre qui essaye de paraître cool. Pourtant tous les éléments sont là, mais ils accouchent d’une souris, la palme d’or revenant à son méchant. Le réalisateur est pourtant un pro, autant des introductions que des développements autour de ses antagonistes : Mark Strong en sadique dans "Kick-Ass", Kevin Bacon en mutant surpuissant et un brin nazi ou encore cette délicieuse Julianne Moore en dealeuse avec un certain penchant cannibale.
Bryan Cranston est évidemment une idée de casting géniale et sa scène d’introduction en impose, avec ce tir de fusil à pompe d’une belle violence (même si on regrette l’orientation graphique tout public qui enlève de l’impact). Mais l’éléphant accouche d’une souris : son affrontement final avec nos héros est un pétard mouillé, ainsi qu’une facilité scénaristique. Ceci d’autant plus, vu qu’il est là au bon moment, au bon endroit, pour un scan rétinien qui permet de résoudre le Macguffin du film. Surgissent alors une réelle déception et un vrai questionnement : que s’est-il passé? Et cette scène post générique qui allie maladroitement sa saga d’espions british et lance de potentielles suites, spin-off, crossover… Elle provoque un sentiment de raz le bol. Marre d’une industrie qui tourne en rond et de constater que même les meilleurs se font parfois broyer.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur