ARCADIA
Un mystère bien maîtrisé
Katerina, neurologue, accompagne Yannis, médecin retraité, pour identifier le corps d’une femme qu’ils connaissaient à la morgue d’une petite station balnéaire. Ils se rendent ensuite sur les lieux du supposé de l’accident, la voiture de celle-ci étant tombée du parapet d’un barrage…
Katerina se réveille en sursaut à l’arrière d’une voiture conduite par Yannis. Ils traversent de grandes étendues, avec des dunes, un ciel bas, des oiseaux. Arrivés à la morgue, elle semble affectée, tout comme lui, en découvrant le corps d’une femme, qu’ils connaissent visiblement. On apprend vite que celle-ci a fait une chute d’un barrage, à une vingtaine de kilomètres de là, avec un véhicule de location, entraînant avec elle un « autre passager », qui était visiblement un patient à elle. Après cette introduction qui annonce une intrigue en forme d’enquête, un magnifique plan, sur les deux voitures se suivant, la leur et celle de la police locale, avec pour trait divisant l’écran, la ligne droite du parapet du barrage, les choses vont devenir plus sinueuses pour les deux protagonistes.
Loin de l’ambiance très tendue de son premier film, "Interruption", passé par le Festival de Venise, où un groupe de gens armés faisaient irruption dans un théâtre, invitant les spectateurs à participer à une nouvelle version du spectacle, "Arcadia" est un film d’ambiances, au rythme sciemment lent, qui immerge le spectateur dans des lieux étranges. Les certitudes des deux personnages vont être bousculées au fil du métrage, par certains éléments à la limite du fantastique. Tout commence avec Katerina, prise d’un soudain déséquilibre, alors que ses chaussures à talons semblent la retenir à un endroit spécifique sur le barrage. Puis, alors que les deux personnages s’installent dans la maison louée par la victime, viendront d’autres personnages étranges : une vieille voyante, une femme unijambiste, un vieux client bourré, une veuve en noir…
Et le réalisateur d’introduire un lieu particulier : le bar dénommé Arcadia (référence à un lieu mythologique de bonheur idyllique), qui semble les relier entre eux. Jouant habilement d’un certain mystère, le scénario brouille les liens entre personnages, et s’amuse avec des dialogues déroutants, comme par exemple sur le rôle des talons de chaussures (« ils nous tiennent proches d’eux ») ou lorsqu’un jeune homme à peine rencontrer, propose à Katerina de baiser. Quant à la mise en scène, elle mêle intelligemment les élans de perditions de cette femme, dans une sexualité qui fait irruption au contact d’autres, à des plans savamment calculés où les échanges entre personnages maintiennent le spectateur dans le doute, entre réalité et imaginaire, entre présent et souvenirs. Par son ambiance crépusculaire qui fait la part belle aux paysages (les pins, la mer, les dunes), les élans libérateurs de ses personnages, "Arcadia" est autant une enquête intime, un voyage surnaturel entre vie et mort, qu’un douloureux mais troublant au revoir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur