APPRENTI GIGOLO
N'est pas Woody qui veut !
En voyant la bande-annonce, on se réjouissait de voir un nouveau film de Woody Allen après le triomphe de "Blue Jasmine". Sauf que non : Woody n’est ici qu’acteur, et c’est John Turturro qui réalise la chose. Cela ne devrait être qu’un détail, c’est hélas ce qui conditionne notre ressenti sur le film : en gros, ça a l’apparence d’un Woody Allen, mais en vérité, on en est extrêmement loin. Que l’acteur mythique de "Barton Fink", également réalisateur depuis plusieurs années (ce film-là est son cinquième), ait eu envie de suivre l’exemple de celui qui fut l’un des premiers à lui offrir un petit rôle au cinéma (Turturro jouait un écrivain dans "Hannah et ses sœurs"), on peut le comprendre, mais le génie écrasant de son modèle devient ici le pire des fléaux. Parce qu’"Apprenti Gigolo" ne laisse qu’un lourd sentiment de vacuité.
On nous annonçait donc une comédie centrée sur la prostitution masculine avec Allen dans le rôle du maquereau et Turturro dans celui de la pute, mais ce dernier n’a visiblement pas su s’en contenter. Du coup, pour envelopper davantage un tel sujet qui aura vite fait de perdre toute sa sève comique, le réalisateur en profite pour parler de New York, de la féminité, des rapports difficiles entre les sexes, de la judéité, de l’amour secret, de l’art floral, du jazz, et j’en passe… Déjà brouillon et mal équilibré à cause de cet amas d’éléments narratifs, le scénario vire au bordel incompréhensible, si bien qu’on est largué au bout d’une demi-heure à se demander où le réalisateur voulait en venir. Plus grave encore, comme il semblait inévitable de jouer le jeu des sept erreurs, le film de John Turturro manque de tout ce qui rend le cinéma de Woody Allen aussi puissant : un scénario d’une richesse souterraine assez folle, un regard acide et subtil sur les rapports humains et les mécanismes sociaux, un humour qui se mêle au tragique, et des acteurs qui ne ressemblent jamais à des coquilles vides.
Car, oui, on se demande souvent ce qui existe dans "Apprenti Gigolo" : la légèreté développée par les dialogues se révèle artificielle, l’humour ne fonctionne jamais et, comme le scénario part un peu dans tous les sens, le montage ne fait que révéler une profonde inégalité de rythme. C’est donc du côté des acteurs qu’il faudra chercher une compensation. Pas tellement du côté du tandem vedette (qui joue son rôle sans trop se forcer) ou du côté des seconds rôles (les deux couguars jouées par Sharon Stone et Sofia Vergara ne servent pas à grand-chose), mais plutôt du côté de l’inattendue Vanessa Paradis. La jeune actrice d’"Elisa" n’a jamais caché son grand talent d’actrice, et trouve ici l’un de ses plus beaux rôles : une veuve hassidim draguée par un flic sentimental (Liev Schreiber) et peu à peu titillée par le désir au contact du protagoniste. Rien que pour son regard, son sourire, sa beauté, sa perruque (si si) et l’émotion qu’elle parvient à véhiculer dans chaque plan, le film mérite un petit coup d’œil.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur