ANTON CORBIJN, INSIDE OUT
Dans l'intimité d'Anton Corbijn
Réaliser un documentaire sur un photographe peut prendre des accents de rétrospective, et même parfois d’hommage post mortem, même si celui-ci est encore en vie. Ici, le parti pris est de montrer autant l’homme que le photographe. C’est donc pendant quatre ans que l’équipe du documentaire a choisi de suivre l’artiste photographe, à travers ses multiples projets, aux quatre coins du monde.
Rythmé par une musique rock (élément omniprésent de sa vie), et à travers une narration thématique, le spectateur découvre les différents types de travaux auxquels Corbijn s’est donné corps et âme pendant plus de trente ans de carrière : photographies pour des groupes de rock, réalisations de vidéoclips, photos publicitaires et dernièrement réalisations de longs-métrages avec en 2007 "Control" (film retraçant la vie de Ian Curtis, leader de Joy Division).
Ce qui est le plus frappant, c’est de se rendre compte qu’inconsciemment son travail fait partie de la culture populaire. Il est donc connu de tous, même si la grande majorité des gens ignore l’existence de l'auteur. Et ce documentaire montre bien la modestie du photographe, alors qu’il côtoie les plus grandes stars internationales… Corbijn est vraiment l’antithèse d’un David Lachapelle. Il est invisible et s'avère un homme solitaire dont la seule obsession est la qualité de son travail.
Comme dans beaucoup de documentaires, des personnalités parlent de leurs souvenirs et expériences partagées avec l’artiste. N’échappant pas à la règle, c’est à travers trois séances de travail que des groupes sont amenés à parler d’Anton (Arcade fire, U2, Metallica et Lou Reed). Ces retours immédiats sur leur collaboration donnent une vision très actuelle de son travail et effacent la notion de temps qui passe.
La réalisatrice du documentaire a également réussi à montrer, sans aucun voyeurisme, la vie d’Anton dans son cercle familial. Elle a interviewé sa sœur, qui parle de la vie de vieux loup solitaire de son frère, et a filmé Anton Corbijn rendant visite à sa mère dans sa maison de retraite. Ces scènes permettent d’entrer un peu plus intimement dans la vie du photographe, et semblent représenter une volonté de Corbijn de leur témoigner son amour, lui qui les voit si peu.
Enfin, pour rendre un véritable hommage à son travail, la réalisatrice a choisi de lécher chaque plan, un peu à la manière d'un traitement photographique de ce portrait vivant qu’elle restitue.
« Anton Corbijn, inside out » est donc un portrait passionnant d’un artiste, qui ressemble à s’y méprendre à un voyage introspectif de ce grand photographe (par sa durée également !). Personnage solitaire, globe-trotteur, perfectionniste, blagueur, timide, simple, Anton Corbijn est une légende à lui tout seul. Lui seul l’ignore. Et c’est aussi ce qui fait tout son charme en tant que Grand Monsieur de la photographie.
Véronique LopesEnvoyer un message au rédacteur