ANOTHER YEAR
Les dégâts de la solitude
Construisant son récit autour d'un couple géologue – psychologue (conseillère médicale), la cinquantaine, le réalisateur anglais Mike Leigh (« Secrets et mensonges », « Naked », « Vera Drake ») nous livre certainement l'un des films les plus touchants et drôles de l'année. Une oeuvre simplement magnifique de simplicité et de chaleur, traitant pourtant de thèmes difficiles comme la détresse des solitaires, l'implacable vieillissement ou encore l'incapacité à reconstruire une vie. Son "Another Year", qui faisait figure de favori au Festival de Cannes 2010, en est pourtant reparti bredouille, du fait peut-être d'un certain classicisme, le réalisateur n'ayant plus grand chose à prouver.
Mais la formidable interprétation de Lesley Manville, collègue de travail aussi envahissante et maladroite que touchante, ne passera certainement pas inaperçue lorsque viendra le temps des récompenses de fin d'année, voire même celui des Oscars. Portée sur l'alcool, les soubresauts de ses relations amoureuses fantasmées, et ses tentatives de compensation, notamment par l'achat d'une voiture sensée la rendre libre, rythmeront la vie de son couple d'amis, à la fois compréhensif, compatissant et complice. D'un pathétique touchant, ce personnage donne toute la saveur de cette comédie désenchantée, dont le scénario sait subtilement marquer les limites de l'amitié, qui ne saurait souffrir certaines trahisons ou comportements, que même le découragement n'excuse pas.
Gentiment, l'incapacité du personnage à rebondir, tout comme ses complexes et ses jérémiades permanentes, sont raillés par ses proches, du fils qui l'appelle Tatie, histoire de lui rappeler son âge et sa position, jusqu'à la belle-fille qui en fait une imitation compatissante. Si le constat final reste assez désabusé, Mike Leigh réussit, avec des chapitres calqués sur les quatre saisons, à dépeindre comment une société exclut progressivement les gens en souffrance, marginalisés par leur comportement auto-centré ou par leur évolution physique.
Il n'y aurait donc qu'une seule devise pour les accidentés du couple : "less thinking, more drinking", comme l'arbore avec fierté sur son T-shirt l'un des amis égarés du couple vedette. Mais noyer dans le vin son chagrin et son incapacité à connecter avec d'autres, n'est certainement pas la solution. Pointant l'amitié comme un palliatif nécessaire à une réelle et profonde solitude, le film de Mike Leigh nous rappelle également, et de manière plutôt cruelle, que pour qu'il y ait une histoire, il faut avant tout être deux.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur