ANNETTE
Une démonstration de style brisée par son propre high concept
Henry et Ann s’aiment à la folie. Elle est cantatrice renommée, lui, est humoriste de stand-up. Ils forment un couple star, un de ceux poursuivis par les paparazzis. Mais la naissance de leur fille va venir tout chambouler, et plonger Henry dans une spirale négative…
Leos Carax fait partie de ces réalisateurs inclassables, dont chaque film est plus un voyage, une expérience qu’une simple œuvre cinématographique. Si "Annette" ne devrait pas réconcilier les pros et les antis, il atteste à nouveau de la foi éperdue d’un auteur pour son art, un medium dans lequel il croit profondément pour magnifier le réel, jouer avec les contours de l’existence sans jamais trop s’en éloigner. Une sorte d’onirisme terre à terre qui invite aussi bien au sublime qu’aux gestes les plus sordides. Après "Holy Motors", le metteur en scène est une nouvelle fois de retour sur la croisette cannoise. L’intrigue suit les balbutiements sentimentaux entre un humoriste et son épouse cantatrice. Mais l’histoire est presque secondaire, le genre s’emparant du récit pour livrer un spectacle emphatique où les mots se transforment en paroles de tubes entêtants.
Si l’ouverture pleine de couleurs et de sourires, avec l’intégralité du casting réuni, ainsi que les Sparks à l’origine du scénario et de la BO, promettait une comédie musicale joyeuse, presque un brin naïve, la suite sera bien plus sombre, à l’image du parcours suivi par les protagonistes. Sensoriel et organique, le métrage est d’une beauté visuelle époustouflante, d’un esthétisme de tout instant, une ambition colorimétrique qui recouvre chaque saynète pour la transcender. Évidemment le parti-pris est réussi, lyrique, offrant plusieurs fulgurances, des envolées dont l’émotion est totale. Mais à l’image de différents choix formels, dont on gardera le mystère, tout le procédé narratif semble bégayer, se répéter, allongeant inutilement les scènes et annihilant tout émoi.
Face à ce barnum grandiose, les velléités du cinéaste questionnent. Comme souvent avec lui, plusieurs niveaux de lecture se superposent, certains y verront la chronique d’une passion autodestructrice, d’autres une parabole sur les méandres du star-system et le besoin obsessionnel de reconnaissance, des derniers pourront même comprendre le projet comme un pamphlet contre la masculinité toxique. Si le fond interroge, le résultat sonne fâcheusement creux, une coquille vide emballée dans un écrin étincelant mais dont le contenu serait vide. Dommage que l’intellectualisation du propos soit venu briser le tourbillon de sentiments dans lequel on aurait tant aimé plonger.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
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COMMENTAIRES
denis coco
dimanche 18 juillet - 8h58
....j'aime votre critique......cordialement