LES ANIMAUX FANTASTIQUES : LES CRIMES DE GRINDELWALD
Un entre-deux films dans l’entre-deux guerres
Gellert Grindelwald s’est échappé. Afin de réunir ses forces pour mettre à bien son projet, il se met à la recherche de la seule chose capable de vaincre Dumbledore, la seule personne capable de l’arrêter. Ce dernier essaie de convaincre Norbert Dragonneau de partir retrouver l’obscurius rencontré à New York avant les autres. S’en suit une course contre la montre pour savoir qui retrouvera Croyance en premier…
Retour au monde de la magie de JK Rowling avec ce nouvel opus signé une nouvelle fois par le britannique David Yates et de nouveau scénarisé par Rowling elle-même. Et malheureusement, s’il y a bien un défaut dans ce film, c’est son scénario.
En effet, Si JK Rowling avait su accoucher d’un très bon spin off qui étendait son univers de manière inventive tout en donnant une histoire intéressante lors du premier opus des "Animaux Fantastiques", elle tombe ici dans presque tous les pièges possibles. Au-delà des incohérences au sein de la saga certainement dues à une volonté de faire plaisir au fan en incorporant des clins d’œil tous plus inutiles les uns que les autres, le principal problème des "Crimes de Grinderwald" est d’être une suite qui en annonce une autre et rien de plus. En résulte donc un film qui ne cesse d’introduire des éléments, des personnages et des sous-scénarios qui ne trouverons hélas aucun écho dans le présent récit, ce qui nous laisse au final avec un film dénué de tout enjeu propre.
Comme si cela ne suffisait pas, tous ces éléments sont en plus très mal amenés et très vite expédiés, livrant donc une structure narrative assez fragile et maladroite, puisque chacun des personnages enchaîne à la suite ses propres objectifs (à défaut de véritable enjeux) sans qu’un tout ne se forme qui soutiendrait l’histoire principale. Tout est tellement maladroit que le film semble avoir besoin de faire une pause au beau milieu de sa narration (et ce au moment du climax) afin d’expliquer aux spectateurs par des dialogues entre personnages ce qui vient de se passer. Et même ceci est loupé et complètement artificiel, avec un pseudo-twist digne d’un épisode des "Feux de l’Amour" à coup de révélation avec des demi-frères surgis de nulle part et échangés à la naissance (oui de ce niveau-là) et qui au final ne sert à rien si ce n’est nous faire perdre du temps, l’histoire du film reprenant après cette exposition sans que cela ne change quoi que ce soit.
Quant aux personnages, ils ne sont pas non plus épargnés par les défauts d’écriture. Le fait que tout le film soit une succession de péripéties sans réel enjeu propre fait qu’au final, la quasi-totalité des personnages devient acteurs des événements et ne sert pratiquement à rien, JK Rowling les ayant transformés en personnage fonction par excellence. Cela vaut aussi bien pour les nouveaux personnages (introduits dans ce film uniquement pour être exploités dans les suivants), comme Leta Lestrange, Thésée Dragonneau, Nagini ou Yussuf Kama, que pour les anciens, qui reviennent comme Jacob, Jacob ou Queenie (la plus mal écrite, son revirement semblant complètement forcé, artificiel et mal amené). Pire encore, presque aucun d’entre eux n’a de réelle évolution au cours du film, si ce n’est très vaguement Norbert Dragonneau, qui passe de « je choisis de ne pas choisir » à « je veux bien faire un effort ». Ceci dit, cela colle bien avec l’esprit de l’entre-deux guerres, pendant lequel on voyait la montée du nazisme, mais on refusait d’agir, les traumatismes de la Grande Guerre étant toujours dans les esprits.
Car le thème de ce film est bien là et, il faut l’admettre, se trouve assez bien traité pour le coup, avec cette montée de l’idéologie de Grindelwald qui sert de parabole à la montée du nazisme, le film y faisant ouvertement référence. Mais encore une fois, si l’esprit est bien là, le traitement de Grindelwald est lui aussi décevant, l’interprétation de Johnny Depp n’aidant pas vraiment et livrant au final un personnage assez caricatural. Ceci car le scénario n’explore pas vraiment les motivations de l’antagoniste, mais se contente de nous les exposer, ce qui place les « crimes de Grindelwald » plus en toile de fond qu’en intrigue principal de cet opus.
Et les animaux fantastiques dans tout ça ? Puisqu’après tout il s’agit bien du titre. Et bien eux non plus ne sont pas très importants dans l’histoire et sont relégués au rang de péripétie. Reste qu’ils sont bien utilisés, et que ces nouvelles bestioles sont travaillées dans leur design pour la majorité d’entre eux (en particulier le dragon chinois) et bien mis en avant dans des séquences plus que prenantes.
Car s’il y a bien un élément de ce film qui est parfaitement maîtrise et réussi, c’est la mise en scène. Chaque séquence est très bien rythmée et nous emporte facilement (malgré l’absence de lien narratif entre elles déjà abordé plus haut) en usant avec efficacité des différents procédés filmiques. Que ce soit la photographie avec cette gestion des couleurs irréprochable, les décors qui sont riches en détails et variés (allant de Londres à un Paris fantasmé, en passant par Poudlard) et parfaitement bien exploités dans les différentes scènes (on pense à la rencontre de Norbert avec Dumbledore ou encore à la scène des archives), ou les effets spéciaux, tous sont très bien intégrés dans le film. Mention spéciale à l’utilisation de la 3D qui est pour une fois réfléchie et très travaillée, avec des effets de jaillissement et de profondeur bluffants jouant avec le format 2.40. Bien qu’essentiellement là plus pour un effet d’esbroufe que de réelle mise en scène, ils font toujours plaisir à l’oeil, surtout quand la majorité des productions de ce genre ce contente d’une post-conversion bâclée sans que la 3D ait été pensée depuis le story-board.
Concernant les acteurs, tous jouent parfaitement bien, à l’exception de Johnny Depp qui cabotine toujours un peu (pouvant rebuter quant à son personnage mais sans jamais surjouer non plus) et d’Alison Sudol (alias Queenie) dont l’artificialité du jeu est plus dûe à l’écriture de son personnage qu’à l’actrice elle-même. Jude Law est peut-être celui qui marque le plus avec son appropriation de Dumbledore, réussissant à nous faire oublier ses deux prédécesseurs (Richard Harris et Michael Gambon) sans jamais tenter de les copier. Au final, si l’on passe un bon moment devant "Les Animaux Fantastiques : Les Crimes de Grindelwald", grâce notamment à une très belle mise en scène, il n’en reste pas moins que cet opus semble être là juste pour nous annoncer sa suite, et souffre donc de ce statut d’entre-deux films, n’ayant aucun enjeu propre pour lui, que ce soit au niveau de l’histoire elle-même ou pour les différents personnages.
Ray LamajEnvoyer un message au rédacteurContinuant leur exploration et l’extension du monde des sorciers d’Harry Potter, JK Rowling et David Yates plongent dans un nouveau pays pour ce second volet des Animaux Fantastiques. Dans ce nouvel opus, tous les personnages du premier sont présents, et leurs dynamiques gagnent en profondeur et en complexité. De nouveaux personnages sont aussi introduits : le frère de Norbert, Thésée, un aurore du Ministère de la Magie, sa fiancée, une amie d’enfance de Norbert, Leta Lestrange. Un certain fan service existe, mais ceci de manière subtile, avec l’apparition de Nagini, MacGonagal et du tant attendu Albus Dumbledore. Le personnage de Grindelwald prend également de l’ampleur, révélant une très belle performance de Johnny Depp.
Si ce film se présente comme un film de transition, qui pose des jalons pour les films à venir, il est loin d’être vide. En effet, de nombreuses nouvelles créatures sont présentes, et elles servent activement le récit. Idem pour le nouveau lieu : après New York, l’essentiel de l’action se passe à Paris, avec une vraie utilisation des codes architecturaux et vestimentaires des années 20, mais aussi des lieux mythiques de Paris, comme le cimetière du Père Lachaise ou les égouts. Des choix audacieux car la production aurait pu s’attarder sur les sempiternels figures connues des Champs Elysées, de la Tour Eiffel ou de l’Arc de Triomphe.
La véritable nouveauté, tant par rapport à la saga Harry Potter que par rapport au premier opus des "Animaux Fantastiques", est l’alliance du merveilleux et d’une recherche très esthétique pour créer un film extrêmement sombre et historique. Par rapport aux Harry Potter, qui proposaient un récit plus universel et donc coupé du contexte mondial dans lequel ils prenaient place, les Animaux Fantastiques jouent la carte du contexte international, la montée du fascisme annonçant la deuxième guerre mondiale. En choisissant de situer l’action dans des villes et dans le monde, JK Rowling et David Yates incluent les moldus et l’Histoire dans le monde de la magie.
Le film regorge d’inventivité visuelle et est doté d’une véritable recherche esthétique. Les effets spéciaux sont sublimes, avec un véritable travail sur les drapés dans deux séquences clés. Mais l’inventivité visuelle se ressent également au niveau de la magie elle-même, quand Norbert met sa baguette dans son oreille pour mieux entendre, quand Grindelwald souffle de la fumée pour créer un écran de cinéma qui annonce l’avenir. Libérés des livres et du texte, le monde des sorciers offrent une nouvelle richesse visuelle encore inexploitée jusqu’alors.
Un formidable succès pour une super production comme celle-là, qui fait le pari d’être à la fois très esthétique et très sombre, en gérant très intelligemment son fan service et en proposant de vrais personnages, dont un protagoniste masculin qui est très loin de tous les stéréotypes du genre. Un univers étendu avec succès. Un vrai plaisir de spectateur et de cinéphile.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur