ANIMALIA
Un troublant film fantastique marocain
Dans la grande demeure de ses beaux parents, où elle attend un enfant, Itto, jeune marocaine d’origine modeste, subit le regard désapprobateur de sa belle mère, alors qu’elle se montre complice des servants des lieux. Laissée seule par son mari parti travailler et ses beaux parents, s’est adaptée à l’opulence de la famille de son mari, elle se retrouve coincée à la maison, alors que événements étranges ont entraîné le déploiement de l’armée autour du lac voisin. Elle va tenter de rejoindre son mari en ville, en partant avec l’un des employés qui tente de fuir avec sa famille…
Récompensé du prix « Creative Vision » dans la compétition cinéma du monde de Sundance en ce début d'année, le film marocain "Animalia" est une véritable curiosité. Offrant, par l’existence ou la suggestion de phénomènes étranges dans des décors inhabituels (des paysages ouverts, vastes, désertiques ou arides…) un écrin particulier à une histoire d’extraterrestres centrée sur une femme enceinte, autant menacée que protégée, le long métrage subjugue par ses aspects visuels. Réussissant à créer une ambiance anxiogène, en jouant autant sur l’inquiétude grandissante de son personnage principal (formidable Oumaïma Barid), femme un peu rebelle que les événements isolent peu à peu, que par un traitement sonore perturbant (omniprésence de bruits de vent, musique dissonante…), Sofia Alaoui signe une œuvre à part, à la fois captivante et perturbante.
Sur une trame finalement proche d'un "Body Snatchers", son scénario, qui fait se croiser l’héroïne avec des personnes plus ou moins bien intentionnées, charrie nombre de thématiques, oblige ses protagonistes comme le spectateur, à se questionner sur ses certitudes (la réalité du monde…), ses croyances (Dieu et sa représentation comme une « personne »…), voire leur conception de l’ordre des choses. Mêlant aussi des thèmes de société actuels (la place de la femme…), étrange par des sourires insistants, la présence persistante de chiens ou oiseaux, la récurrence de cris d’oiseaux, la perception enfin révélée des fameux « événements », "Animalia" fascine, en ne cherchant jamais la facilité, ni une fin explicative. Remarquable.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur