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L'ANGE DE L'ÉPAULE DROITE

Un film de Djamshed Usmonov

Un conte moderne sur fond de paysage tadjik

Dix ans après son départ pour la Russie, Hamro rentre dans son village natal pour veiller sa mère mourante, simulant en réalité l’agonie pour faire revenir son fils à ses côtés. Rapidement, il se retrouve confronté à son passé : les dettes, un enfant dont on lui attribue la paternité, des ennemies. Menacé, seul un miracle pourrait le sauver…

" L'ange de l'épaule droite " est tiré d'une légende musulmane selon laquelle chaque être humain a un ange sur chaque épaule, celui de l'épaule droite notant les bonnes actions, celui de l'épaule gauche les mauvaises. A la mort, ces actions sont mises dans la balance de la justice, cette pesée déterminant la destination finale du défunt : le paradis ou l'enfer.

A travers ce compte, Usmonov dépeint la société tadjik, son fonctionnement, ses croyances. Ce petit village devient alors le pays du possible, un ailleurs. Marqué par un consensualisme poussé à l'extrême, tout s'achète et se vend, se négocie, à renfort de fortes poignées de mains déterminant le prix final (ces scènes ne manquent pas de burlesque), y compris sa place sur terre. Les miracles prennent une dimension réelle.

Confronté à cette réalité qui lui échappe après avoir passé 10 ans en Russie, qui fait figure pour les Tadjiks d'eldorado, Hamro doit également faire face à ses créanciers et leurs expéditions punitives répétées, à leurs incessantes tentatives de vendre la maison familiale, à cet enfant d'une dizaine d'année… Seul un miracle pourrait le sauver, miracle auquel Hamro ne croit pas. Sa mère, consciente de la gravité de la situation, décide alors de provoquer ce miracle par amour pour son fils en échangeant sa place sur terre avec une mourante.

La conception de la mort est ici radicalement différente : pour fêter son départ vers un ailleurs souhaité, la vieille femme distribue, le matin de son décès, des sucreries aux habitants du village. Alors que dans les sociétés occidentales, nul n'y verrait un miracle mais bien un suicide, de ce village ordinaire surgit le miraculeux, le merveilleux et on se prend à croire aux légendes et aux miracles.

Filmé en 35 mm, Usmonov a opté pour un tournage hivernal, l'homogénéité des couleurs de cette saison concordant mieux avec l'histoire. Cette rigueur hivernale accentue le sentiment d'insensibilité des personnages qui s'empare des spectateurs, les émotions restant muettes, dissimulées, même cette mère qui aime tant son fils affiche une sévérité à toute épreuve. Seul la bouille de cet enfant, auquel Hamro finira par s'attacher, dénote. Et si cet enfant n'était autre que l'ange de son épaule droite ?

Lisbeth LanversEnvoyer un message au rédacteur

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