AMMONITE
Une magnifique histoire d'amour entre fossiles et ressac
Dans le petit port de Lyme au sud de l’Angleterre, Mary Anning vit seule avec sa mère. Passionnée de fossiles, elle doit, pour vivre, vendre quelques-unes de ses trouvailles aux riches Londoniens de passage. Un jour, le géologue Roderick Murchison lui propose de la rémunérer pour qu’elle l’initie à la recherche d’ammonites. Une fois sa formation faite, il lui demande également de veiller sur sa femme fragile et déprimée, pendant que lui part en expédition en Égypte…
Sortie le 7 juillet 2021 sur MyCanal
Mary Anning est considérée de nos jours comme l'une des plus grandes paléontologues du XIXe siècle. Une reconnaissance qu'elle n'aura jamais connue de son vivant car, à l'instar des grands scientifiques de l'époque, elle est issue d'un milieu pauvre et… c'est une femme. Bien qu'admirée par ses pairs, rares sont ses découvertes créditées de son nom. Avec "Ammonite" Francis Lee ("Seule la terre"), décide de lui rendre hommage en réalisant un biopic fictionnel. Mary Anning n'ayant jamais été mariée, ni fiancée, le réalisateur lui invente une passionnante histoire d'amour avec une de ses connaissances, la géologue Charlotte Murchison.
Pour des raisons qui leur échappent, les deux femmes, qu'apparemment tout oppose, sont obligées de cohabiter deux mois durant. Fermée et solitaire, Mary Anning n'apprécie guère la présence de cette jeune femme sophistiquée et fragile. La curiosité de cette dernière pour les fossiles les rapprochera timidement. Elles s'adopteront peu à peu, jusqu'au moment où une étincelle embrasera leurs deux corps dans la petite chambre glaciale qu'elles partagent. Tel un "Call Me by Your Name" au féminin, "Ammonite" se concentre sur toutes les étapes parfois insaisissables de la découverte amoureuse. L'adversité qu'elles rencontrent reste en arrière-plan, seule compte la passion qui les unit.
Néanmoins, à l'inverse du film de Luca Guadagnino, les deux femmes s'aiment dans un décor nettement moins solaire. Dans ce port gris et glacé par les vents, Mary Anning retourne la boue des falaises pour trouver des fossiles parfois très précieux. Sa mère, qui ne s'est jamais remise de la perte en bas âge de huit de ses enfants, époussette quotidiennement huit petites porcelaines d'animaux. Quant à Charlotte, son mari l'écarte de son voyage car il ne comprend pas la dépression qu'elle éprouve à la suite d’une fausse couche.
Portrait d'une grande paléontologue injustement méconnue, instantané d'une condition féminine sacrifiée, autant de strates du récit, que Francis Lee réussit subtilement à étudier tout en racontant une magnifique histoire d'amour. Un pari audacieux mais admirablement réussi qui, même s’il prend quelques libertés avec la réalité, rend un vibrant hommage à cette femme aujourd'hui réhabilitée. Une consécration qui peut se résumer avec cette scène finale où Mary Anning, en visite au British Museum, passe devant le portrait d'un grand scientifique : lorsqu'elle se retourne, son visage éclipse celui du grand homme dans son cadre doré. Ainsi la voilà, le temps d'un instant, à la place qui lui revient dans ce temple du savoir.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur