Festival Que du feu 2024 encart

AMERICANO

Un film de Mathieu Demy

CONTRE : Niveau -1 – Un certain manque de crédibilité

Martin, vit à Paris avec Claire. Un matin, il apprend la mort de sa mère, américaine. Élevé par son père, il garde une grande rancœur contre cette femme qui l’a abandonné alors qu’il était enfant. Obligé de se rendre à Los Angeles pour les démarches administratives, le voilà face à ses souvenirs dans la petite maison de Venice Beach...

Nul doute que le premier film en tant que réalisateur de Mathieu Demy a été construit avec les meilleures intentions. Cette histoire d'un trentenaire apprenant la mort de sa mère et enjoint par son père d'aller à L.A. pour rapatrier le corps et régler quelques affaires (dont la vente de la maison), est certainement aussi l'occasion pour l'auteur, âgé de 38 ans, d'exorciser quelques démons, en évoquant de manière plus ou moins lointaine le destin de son père, Jacques Demy, décédé alors qu'il était enfant. Le fait d'avoir tourné certaines scènes dans des lieux où sa famille a vécu, les hommages au cinéma de son père (le personnage de Salma Hayek s'appelle « Lola »...), tout concoure à la constitution d'une œuvre personnelle relevant de l'intime. Une œuvre qui à force de références, plus ou moins ouvertes, semble cependant se préoccuper bien peu de crédibilité, préférant les chemins du prévisible.

Bien sûr, Mathieu Demy offre à son personnage principal, qu'il interprète lui-même, un sincère voyage en amnésie, qui le mènera sur la piste du passé d'une mère qu'il n'a qu'insuffisamment connue. Mais malheureusement dès les premières scènes aux USA, on se doute du futur destin de l'appartement. Car le personnage jette quasiment tout ce qu'il y a dans la maison, en vue de la vendre, y compris une lettre en retour d'expéditeur, sur laquelle le réalisateur s'attarde lourdement. Nous infligeant dans la foulée une scène avec un avocat, expliquant qu'aux États-Unis chacun peut léguer ce qu'il veut et à qui il veut, vous aurez compris ce que contient la lettre et ce qui amènera notre ami à se rendre par la suite à Tijuana à la recherche de la fameuse Lola, amie de sa mère.

Les choses empirent dans la partie mexicaine du récit. Car d’emblée un petit mexicain avertit notre héros que Tijuana est une « ville dangereuse »… et, comme on s'en doutait, bien des problèmes arriveront au personnage. À force de nous prévenir de tout, de baliser le parcours à l'avance, Mathieu Demy désamorce toute possibilité de suspense et de tension. Du coup, le spectateur se désintéresse peu à peu de l'errance de son personnage, dont les agissements sont de plus en plus irrationnels. Cherchant certes à rattraper le dernier lien qui lui reste avec sa mère et son enfance, sa plongée dans les bas-fonds ne convainc pas.

Les flash-back incrustés par moments (tirés de « Documenteur » d'Agnès Varda – sa mère – et faisant ainsi apparaître le vrai Mathieu Demy à 8 ans dans les mêmes lieux) sont vite relégués à la trappe, paraissant anecdotiques. Quant à la partie finale, entre délire sur le mariage blanc, incendie totalement improbable (si vous êtes propriétaire d'un établissement, laissez-le donc brûler !), castagne mal chorégraphiée et histoire de clé de coffre volée, l'absence de crédibilité annihile toute possibilité d'émotion. Les bonnes intentions ne font donc pas tout et « Americano » en est la douloureuse preuve. Espérons que Mathieu Demy, pour son second film, saura trouver un style propre, en s'émancipant de toute son histoire familiale, tellement intimement liée à celle du cinéma qu'elle semble malheureusement en avoir étouffé sa première œuvre.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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