AMEL ET LES FAUVES

Deux regards. Un vert, cerné de khôl ; et un bleu, teinté de colère. La mère et le fils : deux nuances de fierté et d’insoumission dans une Tunisie cloisonnée, régie par la loi des hommes avec un petit h. C’est ce que propose de nous raconter le réalisateur Mehdi Hmili, dans son film en forme de pamphlet contre l’intolérance et l’hypocrisie de son pays. Les fameux fauves auxquels le titre fait référence, sont les autres : ceux qui font partie du système établi et en utilisent les règles, ceux qui se cachent derrière la religion, ceux qui corrompent et se laissent corrompre, ceux enfin, qui abusent du pouvoir de leur sexe.

Et ceux-là, sont partout. À chaque coin de rue, de jour comme de nuit, ils semblent guetter notre héroïne, prêts à sauter sur leur proie au moment propice. On craint pour Amel dès la première seconde où son regard croise celui d’un homme. C’est là peut-être la grande force de ce film qui réussit à nous placer dans la peau d’un personnage en situation de harcèlement constant, devant restreindre ses propres désirs faute de ne plus pouvoir se permettre de faire confiance à un homme. L’histoire d’Amel, cette femme courage à la recherche de son fils disparu, constitue donc une partie de ce film où la violence imprègne tout.

C’est ce portrait qui bouleverse le plus, à côté de son revers, celui du fils, perdu dans les plaisirs et les dangers de la vie nocturne, et qui semble davantage jouer sur la dramatisation sans appel d’une violence présente dans toutes les couches de la société. Un film sec, dramatique, avec certains moments de cinéma terribles, comme ce regard d’Amel sur l’homme qui lui déclare son amour et le suspense qui s’en suit : le fera-t-elle rentrer dans sa chambre ? Un long regard comme un faisceau vert puissant, et le temps s’arrête…