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AMAL - UN ESPRIT LIBRE

Un film de Jawad Rhalib

Le loup dans la bergerie

Amal est enseignante de Français dans un lycée à Bruxelles. À la fin d’un de ses cours, elle accompagne trois élèves musulmans dans le bureau de la proviseure, celle ci souhaitant des explications sur l’agression de Monia, par les deux autres, Jalila et Rachid. Ce dernier, ayant traité ouvertement Monia de sale lesbienne, se voit renvoyé pour une semaine et contraint d’aider au magasin de son père. Monia, elle, commence à faire l’objet de harcèlement de la part d’autres élèves, en classe comme sur internet. Après une réunion entre professeurs, Amal décide d’aborder le sujet de l’homosexualité en classe en leur faisant lire des poèmes d’un auteur arabo musulman bisexuel du VIIIe siècle, Abu Nawas…

"Amal - un esprit libre" est un film belge résolument engagé, qui constitue à la fois un avertissement et une déclaration politique. Les cartons qui concluent le film, concernant certains parents d’élèves militant pour l’enseignement de la citoyenneté dans les collèges et lycées de Wallonie viennent clairement le confirmer. Pourtant le film démarrait comme une histoire devenue presque banale de harcèlement scolaire, sujet longtemps ignoré que semblent avoir commencé à prendre à bras le corps les autorités en France, enjoignant à s’éloigner du syndrome du « Pas de vagues » qui régnait dans beaucoup d’établissements. Mais en abordant frontalement la thématique de l’embrigadement islamiste, sujet hautement inflammable, le scénario de Jawad Rhalib, David Lambert et Chloé Léonil frappe fort, mêlant les divisions entre élèves aux divisions entre adultes, au sein du milieu enseignant mais aussi d’une supposée communauté, souvent réduite à sa religion voire l’un de ses aspects, et plus à une culture.

Dans ces temps où tente de se réaffirmer la laïcité à l’école, le récit pose la question des limites à placer, de l’équilibre entre liberté de culte et imposition de ses croyances aux autres, et du rôle des professeurs et des parents dans le vivre ensemble, nécessaire à toute société, aussi diverse soit elle. Lubna Azabal impressionne dans son rôle de femme, indépendante d’esprit, qui refuse que sa classe devienne un lieu de lynchage, que la religion devienne un critère de jugement (« Allah n’a rien à faire dans ma classe ») et que la censure prenne le dessus ou que sa hiérarchie démissionne devant les attaques déguisées. Face à un professeur lui aussi musulman, beaucoup plus conciliant envers les débordements, sa patience est mise en rude épreuve, jusqu’à ce qu’elle explose face à sa directrice d’établissement, dans une scène à la tension incroyable. Dénonçant clairement l’incapacité de la démocratie à se prévenir des « salafistes en costumes cravates », le film ose s’attaquer à l’entrisme religieux, à la censure déguisée, mais aussi dire haut et fort que c’est à cause de certains religieux que d’autres doivent « s’excuser tous les jours d’être musulman ».

La mise en scène présente ainsi intelligemment une école, comme assiégée, devant faire face à plusieurs front au niveau des élèves (le réel dans la classe, incarné par notamment Jalila et Rachid, mais aussi le virtuel avec le réseau social...), puis la professeure, menacée ouvertement ou à demi-mots. Dans une tension allant crescendo, qui implique de jeunes interprètes remarquables, pour certains formidables d’ambiguïté entre jeu, moquerie et haine, "Amal - un esprit libre" souffle le chaud et le froid, entre moments d’accalmie et couche supplémentaire, le danger devenant de moins en moins visible alors que la meute rugit, par ses mots écrits, sur la toile comme sur les murs. Bourré de questions morales comme éthiques, le film frappe fort, et mériterait une large diffusion, y compris en milieu scolaire.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

COMMENTAIRES

Savvy

vendredi 8 novembre - 9h42

Un film qui ose, une histoire bien écrite qui s'inscrit dans le réel ... ça fait du bien ! Libération a déjà pondu un article au vitriol contre ce film qui dérange les tenant de la bien pensance et du pas de vague.
Ce film bobo incompatible ne sera malheureusement diffusé que dans quelques salles (une seule sur Clermont Ferrand). Allez le voir, c'est un grand film, excellemment joué et qui redonne foie dans le cinéma d'auteur.

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