ALPHA.
Chacun son deuil
Rein, jeune homme dans la trentaine, s’est installé dans les Alpes où il est moniteur de surf. Recevant la visite impromptue de son père, Gijs, venu des Pays-bas, celui-ci lui parle d’une jeune femme avec laquelle il entamerait une histoire, et qui serait plus jeune que lui…
"Alpha.", prix Label Europa Cinéma aux Giornate degli autori 2024, est un film sur le deuil. Celui d’une mère pour Rein, qui s’est depuis isolé dans une station des Alpes pour devenir moniteur de surf, lui qui était musicien, celui d’une femme, sa femme, pour Gijs, venu des Pays-Bas pour rendre visite à son fils qu’il n’a pas vu depuis. Mais il s’agit surtout de la rencontre de deux solitudes et de deux manières de vivre cette perte, chacun rebondissant à son rythme, car ayant aussi vécu la fin de façon différente. Dans une ambiance enneigée où tous les bruits sont naturellement étouffés, ce sont les tensions entre ce père et ce fils qui vont être au cœur d'un scénario qui vise autant à couper le cordon qu’à rétablir un lien, malgré les rancunes ou les reproches.
L’un des points forts du film est que les rôles semblent d’ailleurs presque inversés entre le père et le fils. C’est le fils qui semble bloqué, incapable d’avancer, seulement centré sur l’évasion silencieuse que lui offrent les moments de ski, filmés avec ampleur par drone. Le père, lui, semble être prêt à passer à autre chose, donnant l’impression d’utiliser la perte pour mieux séduire des inconnues (les amies du fils, qui, à table, le plaignent). Le fils est de plus celui qui va devoir guider son père, l’âge n’aidant pas, dans l’ascension comme dans les descentes, parfois hors piste. Ce hors piste qui constitue ici d’ailleurs une sorte de symbole des chemins à prendre pour renouer contact.
Mais l’autre atout du film est sans conteste sa mise en scène, mettant en avant également la solitude des deux personnages, depuis l’isolement que confère une nature sauvage (de superbes plans à contre jour, avec vue sur les sommets, une tempête de neige à la nuit tombante...) jusqu’à une scène d’avalanche filmée en partie en caméra subjective (une rare immersion, entre tourbillon et force des respirations...) qui permettra de remettre les rôles à leur place. Tristement beau, "Alpha." mérite amplement le détour par le grand écran.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur