TOUTES LES COULEURS DU MONDE
L’isolement de celui qui est différent
A Lagos, au Nigeria, Bambino, célibataire, fréquente Ifeyinwa, l’une de ses voisines, mais refuse ses avances. Elle, pense qu’en réalité, il n’a jamais été avec une femme jusque là. Elle veut qu’il soit son premier. Mais lorsque Bambino fait la connaissance de Bawa, un photographe, le contact avec cet homme, qui devient vite son ami, semble provoquer quelque chose en lui…
A découvrir en avant-première sur Universciné jusqu'au 07 mai 2024
"Toutes les couleurs du monde" possède des qualités picturales indéniables. Ceci qu’il s’agisse de transmette la chaleur des lieux, par l’utilisation d’une palette de couleurs chaudes, y compris dans les lumières nocturnes, ou de représenter l’isolement du personnage principal, enserré dans le cadre lorsqu'il est seul, et comme partiellement reclus chez lui. C’est d’abord ce paradoxe qui frappe : Bambino vit seul, dans une pièce peu ample et dans une sorte de silence monacal. La vie ne semble se passer qu’à l’extérieur de sa maison, car seuls les bruits du voisinage pénétrent les lieux. Et ce sont ainsi les vies des autres qui prennent le dessus, dans une promiscuité marquée, avec les disputes maritales de sa voisine, les apparitions d’une voisine pour demander de l’argent ou lui apporter à manger... Même dans sa relation avec Ifeyinwa, ce n’est pas sa volonté ou son désir à lui qui priment.
C’est ainsi autour de la nécessité de taire celui-ci, que Babatunde Apalowo construit cette histoire traitant de l’homosexualité dans un contexte Nigérian, soit un pays africain. Un sujet encore rare car tabou, abordé il y a quelques temps déjà sous l’angle féminin au travers de "Rafiki", remarqué à Cannes. Et dans sa volonté de dénoncer, sans pour autant trop montrer (le risque d’agression, l’impossibilité d’assumer publiquement...), le film fait preuve de quelques maladresses en esquissant seulement certains développements, mais tout en affirmant un devoir de droiture envers soi-même. Ceci d’autant plus qu’avec sa conclusion, il semble ouvrir un tout autre dossier, concernant la condition des femmes mariées. Un ensemble qui lui a en tous cas valu le prix du meilleur film de fiction aux Teddy Awards 2023.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur