#ALIVE
Comme une piqûre de rappel du confinement !
Joon-woo, véritable geek, se retrouve seul dans l’appartement familial au moment où une épidémie ravage soudainement la Corée en transformant tous les contaminés en zombies. Il n’a pas le choix : il va devoir rester cloîtré et survivre avec le peu de nourriture qu’il lui reste…
Sortie le 8 septembre 2020 sur Netflix
La genèse de ce film est particulière puisqu’il s’agit du remake d’un long métrage qui n’est pas encore sorti ! En effet, le réalisateur coréen a coécrit le scénario avec Matt Taylor, auteur du script original donnant lieu au film américain "Alone" (avec Donald Sutherland et Tyler Posey), qui n’a pas encore été distribué (sa sortie américaine est prévue en octobre 2020). Tourné fin 2019, "#Alive" est sorti en salles en Corée du Sud fin juin 2020 ; c’était initialement prévu plus tôt, avant que la pandémie ne perturbe ironiquement la carrière du film, qui en a finalement peut-être profité au vu du succès au box-office coréen (du moins par rapport aux conditions actuelles de l’exploitation cinématographique). C’est désormais sur Netflix que ce long métrage poursuit sa carrière ailleurs dans le monde.
Il y a quelques mois, en plein confinement, nous proposions un article sur les épidémies et les pandémies au cinéma (voir partie 1 et partie 2), dans lequel "#Alive" aurait eu toute sa place. Mais il est finalement plus qu’heureux qu’il nous parvienne après cette période puisque cela nous permet, avec le recul, d’en ressentir toute son incroyable pertinence en évoquant immanquablement ce que nous avons vécu – certes sans zombies, ouf !
Ainsi, c’est avec une relative économie de moyen que Cho Il-hyung livre son premier long métrage : une histoire de zombies qui se résume souvent à un huis clos dans lequel le personnage principal est contraint de vivre pour survivre. Nous voilà donc aisément capables d’empathie et d’identification : une épidémie se propage rapidement et la proximité d’un contaminé est un risque majeur ; les experts et les journalistes ne peuvent qu’émettre des hypothèses plus ou moins adéquates et ne sont guère rassurants ; il devient obligatoire de rester chez soi car sortir est bien trop dangereux ; l’absence de contact humain devient vite pesante ; les problèmes de connexion amplifient les sentiments d’isolement et d’impuissance ; l’horizon limité de sa propre résidence a de quoi oppresser (même un geek !) ; l’humour et l’autodérision peuvent être des réactions instinctives de survie psychologique ; la diffusion de publicités à la télé a quelque chose de ridicule quand la consommation est concrètement impossible…
Au-delà de ces impressions de déjà-vu qui incitent à réinterpréter le film à la lumière de notre histoire récente (bien qu’ayant été écrit et produit avant, donc relevant de la pure anticipation), "#Alive" ne manque pas d’inventivité dans sa mise en scène (même s’il recycle aussi quelques poncifs du genre). Notons par exemple la scène où, hallucinant à cause de la privation de nourriture, le héros semble se comporter comme un zombie avec des mouvements désarticulés. Le long métrage évite de tourner en rond comme le fait son héros, offrant ainsi plusieurs rebondissements bien sentis, qui permettent d’introduire intelligemment quelques nouveaux personnages (dont certains ne font pas long feu !). On regrettera toutefois une fin plus convenue, qui n’est pas à la hauteur du reste.
Incarné par un impeccable Yoo Ah-in (découvert dans "Burning"), le personnage principal passe par toutes les émotions, de l’effroi au désespoir en passant par la joie simple (celle de manger du Nutella par exemple) et l’accès de courage ou de colère. Geek par excellence, il est tantôt capable d’exploiter sa passion pour la technologie (notamment quand il utilise son drone à bon escient), tantôt ironique sur ce qu’il vénérait auparavant (comme lorsqu’il se moque de la tendance au sans fil quand un câble lui serait bien utile !), ou encore totalement inapte à gérer certaines situations dans lesquelles la technologie ne peut plus l’aider. Sans prétention, "#Alive" commente donc aussi notre dépendance à la modernité et au consumérisme.
Les cinéastes du pays du Matin calme ont montré depuis des années qu’il fallait compter sur eux pour renouveler le cinéma de genre. En voilà donc une énième preuve, qui allie le film de zombies (souvenez-vous de "Dernier train pour Busan" – en attendant la suite "Peninsula"), le survival (rappelez-vous de l’excellent "Tunnel") et le film d’anticipation biologique (repensez à "The Host"). Peut-être pas le meilleur de ce que le cinéma coréen nous a fourni en ce début de XXIe siècle, mais un résultat plus qu’honorable.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur