AILLEURS SI J'Y SUIS
L’appel de la forêt
Un jour, Mathieu s’enfonce dans la forêt à côté de chez lui. Il s’y sent bien. Au point de ne pas vouloir en ressortir…
Cela fait maintenant dix ans que nous n’avions plus vu un film de François Pirot, le cinéaste belge s’étant limité à l’écriture de scénarios, dont le brillant "Les Intranquilles" de Joachim Lafosse. Après donc "Mobile Home", voici que débarque sur nos écrans son nouveau projet, une nouvelle fois à la lisière entre l’humour et le drame, "Ailleurs si j’y suis". La caméra suit Mathieu, un quadragénaire sous pression, entre un boulot qui dérape, un couple en crise et un père obsédé par la mort. Un jour, aux alentours de ses baies vitrées, il observe un cerf qui semble l’inviter à découvrir la forêt juste à côté de chez lui. Dans ce bois, l’homme va se sentir libre, apaisé, au point de ne plus vouloir retrouver la civilisation.
Fable existentialiste au pitch loufoque, le métrage est une ode poétique au retour à l’essentiel, dont l’écho est forcément plus fort suite au COVID et aux remises en question que beaucoup ont traversées. Mais au lieu de s’enfoncer dans des considérations philosophiques, cette comédie douce-amère préfère arpenter les sentiers de l’absurde, analyser des comportements invraisemblables pour mieux décortiquer ses sujets et les rêves perdus de ses protagonistes. Que les velléités des personnages soient d’ordre narcissique ou non, aucun questionnement moral ne viendra les priver d’une renaissance dont tous ont besoin.
À la différence du récent "La Montagne", la communion avec la nature se fait ici à quelques mètres de là où résident les êtres qui peuplent ce film choral, comme si ce lâcher-prise était à la portée de tous, et surtout à portée de main. "Ailleurs si j’y suis" devient alors une opposition entre deux mondes, entre deux façons d’appréhender notre société, aussi bien dans les dialogues que dans les partis-pris esthétiques (cadre, colorimétrie). Si cette satire onirique aurait mérité de s’abandonner un peu plus aux promesses offertes par son postulat barré, elle demeure une parenthèse jouissive à la folie de notre époque, un calme bienvenu bercé par une bande-son soignée. Malgré son titre, n’allez pas voir ailleurs !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur