AÏCHA

Un film de Mehdi M. Barsaoui

Le subtil portrait d’une jeune femme tunisienne résiliente

Aya travaille dans un hôtel de Tozer, dans le sud de la Tunisie, alternant entre ménage dans les chambres, accueil au buffet et animation au club. Faisant tous les jours les aller-retour depuis chez ses parents, quelle aide financièrement et qui souhaitent lui présenter un veuf pour la marier, son bus est victime un soir d’une sortie de route en montagne, après avoir pris une femme sur le bord de la route. Seule rescapée, elle ne parvient pas à se faire repérer par les secours. Mais elle se ravise, voyant là une opportunité de changer de vie. Elle décide alors de s’installer à Tunis, sous le nom d’Amina…

Avec ce portrait d’une jeune femme tunisienne, coincée dans son rôle de travailleuse subalterne, de maîtresse condamnable et de future mariée dans la contrainte, voyant dans un accident l’opportunité de refaire sa vie, Mehdi Barsaoui a frappé fort du côté la section Orizzonti du Festival de Venise 2024. Cette femme c’est Aya, libre seulement dans sa tête, la mise en place permettant de découvrir à la fois sa patience avec après une longue attente de près de 4 ans, l’espoir de s’enfuir avec son patron pour vivre enfin à Tunis s’éloignant. Peu libre de ses mouvements, les premières scènes la posent aussi en aide financière de ses parents, chez lesquels elle rentre tous les soirs, et en observatrice des gaspillages des clients de l’hôtel, alors que la misère règne alentour. Dans une impasse, envisageant de se faire recoudre l'hymen, l’accident arrive alors comme une scène choc, avec une sortie de route dont elle sera la seule rescapée, le corps de la femme prise en stop passant pour le sien.

Mais la bouffée de liberté, projetée en un éclair par une ellipse, ne sera que de courte durée. Et il suffira d’un homme qui l’aborde en boite de nuit, disant la reconnaître, et d’une intervention de policiers en civils pour qu’elle se retrouve à nouveau prise en étau entre le père de l’homme en question et ses avocats, la cheffe de la police, un des enquêteurs, et un des amis de sa colocataire. Faisant savamment monter la pression, Mehdi Barsaoui utilise d’angoissants plans en plongée dans des escaliers, met en image un cauchemar en boîte de nuit avec l'homme le visage ensanglanté, tente une scène d’évasion par les toilettes, poussant peu à peu son personnage dans ses retranchements. Allant jusqu’au règlement de comptes avec l’attitude de parents aux schémas de pensée rétrogrades, le scénario offre tout de même à cette femme résiliente, une fin porteuse d’espoir, tout en symbolisant par un simple voile la nécessité de devoir pour certaines, encore vivre cachées, pour être enfin libres.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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