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ABIGAIL

L’horreur gothique passé au Moulinex

Une bande de criminels kidnappe en pleine nuit la fille d’un homme puissant et décide de l’emmener dans un manoir isolé le temps que la rançon soit versée. Le plan se déroule sans accroc jusqu’au moment où les membres de l’équipe commencent à se faire décimer un par un. Et la jeune fille ne semble pas être étrangère à ces disparitions…

Pour être totalement honnête avec vous, on y croyait un peu à ce projet d’exploitation qui avait tout pour être décomplexé, barré et bourré d’hémoglobine. Mais les deux compères, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gilett, n’en étaient pas à leur coup d’essai et on ne peut pas dire que leurs aventures screamesques ("Scream 5" et "6" sortis respectivement en 2022 et 2023) nous aient inspiré confiance. Mise en scène peu inspirée, fan service à gogo et narration calamiteuse, le duo n’avait pas réussi à prendre la relève de feu Monsieur Craven et se présentait à nous comme un tandem de simples faiseurs à la botte de studios en manque d’imagination et de prise de risque. Non pas que "Abigail", qui sort chez nous ce mercredi 29 mai, soit bourré d’originalité, mais son pitch était aguicheur et vous le savez, on est preneur d’une bonne série B bien troussée.

Si le film arrive à mettre en place son intrigue de façon efficace c’est pour mieux se dégonfler ensuite jusqu’à en devenir inconsistant dans un climax d’une mollesse infinie et avec un sentiment de redite insupportable. Si vous avez franchi le seuil des salles de cinéma sur ces 20 dernières années, le déroulé du long métrage présenté ici ne vous surprendra pas. Et toujours pour jouer la carte de la franchise, on s’en moque bien finalement qu’un film bas du front nous surprenne. Le souci c’est quand le film s’évertue à mettre l’emphase sur une intrigue aussi épaisse qu’un timbre poste et qui aurait dû rester telle quelle. Le duo de réalisateurs et leur scénariste insistent lourdement sur les multiples « surprises » du script, avec un sérieux qui n’en démord pas.

En plus d’être prévisibles, ces retournements de situation ne sont en aucun cas montrés avec plus de panache et d’inventivité que chez le copain d’à côté. C’est comme ce point de départ de l’histoire, qui mixe le film de vampires (on pense forcément à "Livide" d’Alexandre Bustillo et Julien Maury avec cette enfant danseuse aux crocs acérés) et aux films de braquages remplis de paranoïa teinté de dialogues absurdes (vous avez dit "Reservoir Dogs" de Quentin Tarantino ?), et qui ne maintient pas du tout l’excitation en dehors de son concept. Après une introduction comme dit plus haut, efficace, le film prendra encore 35 minutes avant de redémarrer complètement, en ayant même le culot de jouer avec nos nerfs à coup de fausses pistes sur le pourquoi du comment de la situation. C’est trop tard : les bandes annonces, le synopsis, L’AFFICHE DU FILM, tous ces éléments nous ont déjà donné ce faux twist que le film essaye de créer autour de son personnage (promotionnel qui plus est).

On était prêt à un survival bien énervé qui rentre dans le tas directement. À la place nous avons droit à un film qui oscille entre premier degré plombant, humour potache et envahissant, et tour de table (littéralement) des protagonistes pour connaître leurs histoires personnelles. Le dernier à avoir tenté une telle flemmardise d’écriture c’était Zack Snyder avec son "Rebel Moon Partie 2" et on voit bien le résultat calamiteux que ça provoque pour la non caractérisation des personnages. Dommage, on a toujours plaisir à voir Kevin Durand en Monsieur muscle un peu benêt et un Dan Stevens survolté, ainsi que la jeune actrice Alisha Weir qui n’est pas en reste et trouve un équilibre entre réel attendrissement et bête féroce doublée de malice. On déplorera d’ailleurs que le personnage principal campé par la convaincante Melissa Barrera (déjà présente sur les deux volets de "Scream" signés par le duo) ne soit réduit qu’à un simple archétype d’une mère qui essaye de se racheter une conscience. Pour l’épaisseur de personnage, circulez il n’y a rien à voir.

Encore une fois, le problème c’est le temps que le film consacre au rien : pas un personnage sera plus dégrossi qu’un autre, et si c’est le cas il sera vite expédié avec comme justification de contrer les attentes du spectateur. Les festivités commencent enfin, mais l’ennui nous a déjà gagné et paralysé en partie, entre mise à mort expéditive et pas inventive pour un sou, ou encore des effets chocs comme des personnages qui implosent, tellement redondants qu’on en vient à se lasser. Les Studios se rendent-ils compte de ce qu’ils nous font dire à force de ne mettre aucune énergie dans ce genre de produit ? Nous sommes friands du cinéma d’exploitation généreux, débrouillard, inventif, malin, pas de ce genre de choses soit-disant transgressives ou cool, alors qu’elles ne font que brosser le spectateur dans le sens du poil sans lui avoir donné la sensation que le chemin valait le coup d’être fait.

Pour ne rien vous cacher nous sommes en manque de bons films d’horreur. Entre un film sur les cartes de tarot, un autre sur un follower-zombie ou encore sur un ours en peluche pas si mignon que ça, et un remake nul d’un film nul de 2008 (Psss... Oui c’est toi qu’on regarde, "Les Intrus"), on ne peut pas dire que l’amateur de film à frousse soit bien loti en ce moment. Plutôt que de perdre presque 2h de votre temps que vous ne retrouverez plus jamais, revoyez "Horribilis" de James Gunn (2005) : c’est con et en même temps très malin, c’est drôle et en même temps une relecture de La Belle et la Bête et c’est sacrément gore au point de vous conseiller de ne pas vous restaurer au préalable.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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