A ULTIMA FLORESTA
Portrait d’une tribu menacée
La tribu Yanomami vit aujourd’hui encore à l’écart dans la forêt brésilienne, dans une sorte d’immense hutte collective circulaire, ouverte en son centre, chaque unité familiale dormant dans des hamacs suspendus à la structure, autour d’un feu. Lorsque les prospecteurs qui recherchent de l’or se rapprochent de leur territoire, les hommes se recouvrent la peau d’une boue bleutée et vont les chasser à grands cris…
Le documentaire brésilien "The Last Forest", découvert dans la section Panorama Dokumente du Festival de Berlin 2021 est captivant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il fait le constat de la démultiplication des violations de territoires indigènes suite à l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir (2019), ensuite parce qu’il permet d’approcher le mode de vie d’une tribu, les Yanomami, dont les terres ont officiellement été reconnues peu avant de sommet de Rio de 1992, grâce au travail de lobbying de leur shaman, Davi Kopenawa Yanomami, qui sert ici de protagoniste.
Luiz Bolognesi, réalisateur du film d'animation "Rio 2096" (gagnant à Annecy en 2013), lui-même diplômé en anthropologie sociale, également scénariste de "Comme nos parents" (2018), nous plonge donc dans le quotidien de ces gens, en révélant la tradition orale, au travers de différents récits, et le mode de vie. Proposant d’évoquer leur légende fondatrice, il la fait rejouer à certains membres du clan, convoquant ainsi de manière poétique, frères ennemis et femme sorti des eaux. Une manière de confronter les jeunes à leurs racines, tout en montrant que ceux-ci sont tentés par le monde moderne, aidés en cela par ceux qui sont déjà partis.
De documentaire anthropologique à l’apparence exotique, dénonçant les conséquences de la prospection, avec l’usage du mercure dans les mines, la déforestation (la comparaison aérienne d’une zone de prospection et de leur village, sur fond de forêt immense, est saisissante),l’assèchement des rivières, l’introduction de maladies, le film se meut en manifeste d’une combativité moderne, qui emprunte une partie des armes des non-natifs : travail en réseau entre tribus (via des alertes en cibi), usage des moyens de communication (médiatisation, conférences…). Une manière de montrer, à l’image de la fin du film, où les sirènes de la ville se meuvent en chants d’enfants, que ces peuples ne sont pas à genoux et ne se laisseront pas faire. Ceci, même si au final les chiffres sont effrayants, avec à nouveau quelques 20 000 prospecteurs à l’œuvre, après 25 ans de protection.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur