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À L'OMBRE DE L'ABBAYE DE CLAIRVAUX

Un film de Éric Lebel

Une intéressante réflexion sur liberté et enfermement

En 1115 est créée L’Abbaye de Clairvaux, qui accueillera des moines cisterciens. Après la Révolution française, en 1804, sous Napoléon, elle deviendra une prison, qui finira par fermer ses portes en mai 2023. La rencontre avec des détenus aux longues peines et avec des moines cisterciens de l’abbaye de Cîteaux, permet de question enfermement comme notion de liberté…

En choisissant de se concentrer uniquement sur deux prisonniers, l’un détenu depuis 30 ans, s’occupant de la bibliothèque et songeant à rentrer dans les ordres, l’autre détenu depuis 12 ans, maquettiste à ses heures, travaillant à la cantine des lieux, et espérant obtenir sa conditionnelle, Eric Lebel a le mérite de ne pas perdre le spectateur entre de multiples personnages et témoignages. Aux dialogues avec eux, il ajoute ponctuellement des échanges avec des moines cisterciens de l’Abbaye de Cîteaux, avec leur relation régulée à la parole comme au monde moderne, ainsi que des interviews de gardiens, directeur, et autres spécialistes de l’univers carcéral.

Ouvrant son documentaire sur un plan aérien, en survol de l’abbaye, se terminant par la partie construite plus récemment (la Maison centrale, 1971), il donne à voir la juxtaposition des enceintes, puis les tourelles et barbelés qui se sont ajoutés à l’édifice de départ. Avec une fonction d’isolement qui prend alors une double voie (celle du volontaire et celle du subi), ces édifices sont explorés de fond en comble, en intermèdes ou en parallèle des paroles des uns ou des autres. Un dispositif qui s’il semble trop systématique au bout d’un moment, finit par livrer quelques images saisissantes, des cellules métalliques étriquées sous un couloir en voûte, abandonnées, aux empilements de vieux matelas dans une salle, en passant par de vieux registres d’admission.

Des échanges avec prisonniers, personnel et moines, on retiendra divers éléments. D’abord un contraste entre intérieur et extérieur, entre pour les prisonniers une routine assommante et un bruit persistant en soirée (face à la liberté de s’occuper et au silence de la ville après 20 heures), et pour les moines un bâtiment au rôle de protection (face à la vitesse du monde extérieur). Puis l’incarnation de la sentence que représente le lieu où la règle régit tout, devenu aussi, comme pour les moines producteurs de fromage, un lieu de travail et donc de début de réinsertion. Mais aussi et surtout la prise de conscience progressive de la situation, au-delà des violences faciles ou de la tentation de l’évasion, avec cette phrase qui marque forcément : « il faut vivre sa détention, plutôt que la subir ». Une phrase qui résonne encore dans notre esprit, bien longtemps après la projection.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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