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À LA RECHERCHE DE VIVIAN MAIER

Un documentaire fascinant pour une femme qui l’est tout autant

Il y a encore quelques années, personne ne connaissait le nom de Vivian Maier, simple nourrice et gouvernante qui ne se séparait jamais de son appareil photo. Mais ça, c’était avant… Aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes photographes de rue, ce documentaire revient sur le destin hors-du-commun de cette femme…

John Maloof, jeune agent immobilier, n’avait jamais envisagé un jour de réaliser un documentaire, encore moins sur une obscure photographe. Mais alors qu’il cherchait des anciennes photos de Chicago pour un livre qu’il souhaitait écrire, il acquiert lors d’une vente aux enchères de vieux clichés réalisés par une certaine Viviane Maier. Aucune de ces photographies ne sera utile pour son bouquin, mais ce qu’il découvre dépasse tout ce qu’il avait pu imaginer. Les photos sont d’une qualité impressionnante et d’une modernité troublante. Obsédé par le travail de cette femme, il va réussir à récupérer l’immense collection qu’avait constituée cette monomaniaque de la gâchette photographique. Et commence ici le documentaire, et la reconversion de l’apprenti cinéaste.

Mitraillant plus vite que son ombre et capturant absolument tout ce qu’elle voyait, le jeune américain hérite de près de 150 000 négatifs, 150 films, 2000 bobines de pellicules en noir et blanc et 700 en couleur non encore développées ; autrement dit, il avait de quoi remplir de très nombreux albums. Rassemblant également des cartons entiers d’effets personnels, le futur réalisateur se retrouve en possession d’une véritable montagne d’objets et de photographies. Mais pas impressionné par la tâche qu’il l’attendait, l’homme se lance alors dans la numérisation de tous les instantanés, soit une entreprise considérable pour faire découvrir à tous la beauté de ces moments de vie sur papiers glacés. Et au fur et à mesure de son avancée, le mystère entourant cette femme l’envoûte tel qu’il se lance littéralement à sa poursuite.

Le spectateur découvre alors au fil des entretiens qui était cette photographe que la plupart des experts s’accordent à qualifier de « génie ». Une simple nourrice ? Impossible, John Maloof ne peut y croire. Et pourtant, celle qui s’impose désormais tout en haut du Panthéon des photographes de rue était une gouvernante solitaire et introvertie. Mais là où le film se mue presque en enquête policière, c’est que chaque personne l’ayant côtoyée raconte des éléments différents et contradictoires. Certains la pensent française, d’autres autrichienne. Elle donnait de très nombreux noms, se faisait appeler différemment par ses amis, ne semblait entretenir aucun lien avec sa famille. Qui était-elle ? James Bond avec un Rolleiflex ? Peut-être bien, car elle aimait se voir comme une espionne, pénétrant dans l’intimité de nombreux quidams sans jamais se faire démasquer.

Et c’est précisément ces secrets qui entourent sa personnalité qui font la force du documentaire. Progressivement, les témoignages nous dresse le portrait d’une nourrice tyrannique et violente, incomprise du reste du monde et terriblement apeurée par les relations sociales. Pour exister, elle décidait alors de capturer la vie qui l’entourait, que ce soit grâce à son appareil photo ou son dictaphone. De ces aveux, entrecoupés des clichés de Vivian Maier, se dégagent une émotion sincère et une mélancolie palpable. Sans jamais tomber dans la simple vénération, "À la recherche de Vivian Maier" est un documentaire enjoué et nostalgique parfaitement maîtrisé, les réalisateurs rendant les investigations passionnantes. Altruistes, on ne peut que les remercier de leur démarche philanthropique pour nous faire découvrir cette photographe, même si leur amour non dissimulée pour l’intéressée l’emporte quelque peu sur la forme de leur documentaire, délaissant toute velléité d’esthétisme cinématographique pour se focaliser sur leur sujet.

Mais plus qu’un hommage à cette femme au chapeau feutré dont les clichés font désormais le tour du monde, John Maloof et Charlie Siskel nous offrent un documentaire pudique et bienveillant qui nous retrace le parcours singulier de cette écorchée vive, s’intéressant plus à l’humaine qu’à l’artiste. La magie enchanteresse qui se dégage de l’écran fait de ce documentaire l’un des meilleurs du genre, dans la digne lignée de "Sugar Man". Et alors que la voix nasillarde de Sixto Rodriguez n’a pas fini de nous charmer et de monopoliser nos Ipods, nous ressortons de la projection avec un nouvel objet de fascination en tête. Car comme leur auteure, emplie de contradictions et semblant appartenir à une autre époque avec ses vêtements anachroniques, les photos de Vivian Maier détonnent. Elles dégagent un sentiment d’authenticité bouleversant, comme si le temps d’un instant, l’âme des modèles avait pu être saisie. Une artiste qui obtient enfin la reconnaissance méritée…

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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