À CONTRETEMPS
Un efficace plaidoyer espagnol contre d’indignes expulsions
Madrid, de nos jours. Rafa, avocat, tente de retrouver la mère d’une fillette laissée seule chez elle, et que la police menace de placer dans un foyer. Azucena, au fils muet, tente d’éviter leur expulsion de leur appartement en créant une mobilisation autour de son cas. Une vieille dame, vivant seule, baratine un pharmacien pour obtenir son traitement…
Passé par la section Orizzonti du Festival de Venise 2022, "À Contretemps", film notamment produit par Penélope Cruz, qui avait alors fait le déplacement est l’une des premières fictions à s’attaquer à la brûlante question des expulsions en Espagne. Il s’agit en effet d’un phénomène de grande ampleur, puisque près de 400 000 personnes ont été expulsées, suite à la crise de 2008, dans un pays où les habitants crient à l’injustice flagrante, les habitants endettés se voyant non seulement saisir leur bien, mais contraints de poursuivre à payer ce logement qu’ils ne reverront jamais. Une situation scandaleuse qui donne tout pouvoir aux banques et accable les individus, notamment dénoncée lors du mouvement des Indignados (les Indignés), mouvement citoyen transformé en partie depuis en parti ou groupement politique (Unidas Podemos).
Après quelques documentaires pertinents ("En Politica", "Vers Madrid"...), le drame "A Contretemps", vient donc dénoncer ce scandale, au travers de l’imbrication de plusieurs destins entrecroisés, dans un Madrid où l’entraide s’organise face aux puissants. Le personnage d’avocat impliqué, interprété avec conviction par Luis Tosar, sert de fil rouge, incarnant un difficile équilibre entre vie privée et travail quotidien dans l’urgence. Donnant la priorité aux personnes en difficultés par rapport à sa propre famille, il doit faire face aux obstacles autant qu’à l’ingratitude. Face à lui, la mère courage interprétée par Penélope Cruz, tentant de mobiliser les associations autour de son cas, afin d’échapper à l’expulsion, incarne aussi ce difficile équilibre qui implique un fils mutique et un mari absent.
Développant son intrigue sur 24 heures, permettant ainsi de traduire l’urgence des différentes situations (la vieille dame est quant à elle isolée, son fils étant supposé parti travailler à Londres, seule et sans capacité d’appel à l’aide face à ses différents problèmes), Juan Diego Botto mêle ainsi avec acuité de nombreuses thématiques : familles monoparentales, jobs précaires, immigration, rôle des services sociaux, banques prédatrices... "À Contretemps" est intelligemment construit et parvient, dans un Madrid en état d’urgence, à montrer l’importance cruciale du milieu associatif et de l’entraide.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur