A CAPPELLA
Poignant et troublant, un drame coup-de-poing
En règle générale, les différents longs métrages sud-coréens qui arrivent dans les salles françaises sont des thrillers violents où le sang coule à foison. Pour son premier film, Lee Sujin a décidé de conserver l’ambiance noire usuelle, mais a remplacé la violence physique par la violence psychologique, bien plus douloureuse et révoltante pour le spectateur. Car d’un sordide fait divers, le néo-cinéaste tire une ode désenchantée saisissante et captivante qui en dit beaucoup sur la société sud-coréenne. Mais entre le brûlot politique et sociétal, et le drame poétique et brutal, le réalisateur a opté pour la deuxième option, nous livrant une œuvre dont la noirceur fait froid dans le dos.
Reposant sur un mystère qu’il est important de ne pas révéler, « A Cappella » entremêle le passé et le présent pour nous conter le parcours tragique d’une jeune fille obligée de changer d’école suite à ce fameux événement secret. Après un démarrage poussif, le métrage prend tout son envol en dessinant subtilement le portrait d’une adolescente traumatisée qui a perdu foi en la vie et en l’amitié. D’abord antipathique, le personnage suscitera une très forte empathie au fur et à mesure que l’épais voile mystérieux s’estompera. Avec un souci du détail et un montage chirurgical, le réalisateur nous plonge alors au cœur du calvaire quotidien de cette jeune fille, dans une ambiance anxiogène et asphyxiante.
Pudiquement et sans concession, Lee Sujin montre les dérives d’un système judiciaire qui écrase les victimes pour ne pas remettre en cause des conventions archaïques. Gardant toujours en ligne de mire sa protagoniste, le film se construit comme un miroir où chaque coup asséné à cette jeune fille reflète les contradictions d’une jeunesse égarée et d’une société qui se meurt dans ses propres règles. Poussant également la réflexion sur les statuts des femmes dans un pays dominé par le diktat de l’image et de la bien-pensance, le film choque, repoussant les spectateurs dans leurs derniers retranchements. Et peu importe notre point de vue sur la dimension pamphlétaire de l’œuvre, l’expérience est si radicale qu’on n’en sort pas indemne.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur