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7 FRÈRES

Avec ou sans commentaire

Sept frères, sept bonshommes oisifs, héritent de la ferme familiale. Plus attirés par la chasse, la pêche et la bagarre que par les responsabilités et l’apprentissage de la lecture, ils quittent le village pour rejoindre les forêts du Sud de la Finlande, où les attendent de mirobolantes aventures…

Ce dessin animé atypique et rustre, fabriqué manuellement à l’aide d’aquarelles et de papier découpé, à l’heure de la mondialisation et des technologies d’animation par ordinateur, est l’adaptation d’un classique de la littérature finnoise. Elle-même rebelle en son temps, cette épopée truculente, peuplée de personnages grognons et libertaires, ne fit pas l’unanimité lors de sa parution en 1870, sans doute du fait de son mélange de réalisme social (les frères deviennent orphelins et découvrent la difficile gestion de la ferme) et de chronique fantaisiste (la joyeuse bande rencontre toutes sortes de créatures merveilleuses). Aleksis Kivi fut aussi le premier à utiliser la langue nationale, le finnois, pour la rédaction de son roman, qui devint dès lors une sorte de symbole patriotique via l’abandon des langues littéraires traditionnelles, le russe et le suédois.

Le film qui nous parvient, qui garde du roman sa substantifique moelle et est l’œuvre de l’artiste-peintre finlandaise Niitta Nelimarkka. Impressionné par ce film de 74 minutes créé par la réalisatrice de courts-métrages, mais aussi insatisfait de la forme, le metteur en scène et producteur français Claude-Louis Michel décide d’y apporter quelques changements structurels et narratifs : il le réduit à moins d’une heure, modifie toute la musique et intègre un commentaire off qui accompagne le parcours mirobolant des sept frères, recadrant au passage l’histoire sur une unique partie, quand le métrage d’origine se divisait en trois. Une opération chirurgicale qui ressemble fort à une adaptation forcée, peut-être dans le but de rapprocher le film de nos standards ?

On suit avec quelque plaisir ces aventures colorées, notamment du fait de la beauté plastique des aquarelles, et de leur ton résolument badin – le film est rythmé par des séquences proches du conte de fées et des bagarres générales dans le village. Malgré la simplicité stylistique du procédé d’animation, la réalisatrice parvient à insuffler la vie à chacun de ces frères, les rendant tous différents. Néanmoins, cette légèreté est largement remise en cause par l’usage pédagogique, et rapidement intrusif, de la voix du narrateur, soulignant les péripéties et opérant ostensiblement les transitions. Peut-être le film, tel qu’il était sorti des ateliers de Nelimarkka, débarrassé des ajouts lestés du réalisateur français, mériterait de reprendre la place de cette version édulcorée de « Sept frères ».

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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